L’intégration des principes de l’économie de la fonctionnalité est mon actualité brulante, notamment dans le cadre de l’organisation d’un évènement public Carbon’at sur le sujet, prévu en début d’année prochaine. Ce sujet fera l’objet d’autres posts dans les semaines à venir, bien évidemment.
Dans le parcours initiatique qui est le mien depuis l’année dernière au World Forum de Lille – où j’ai eu la chance d’assister à une conférence sur le projet Économie de la Fonctionnalité mené dans le Nord-Pas-de-Calais (lien vers mes commentaires, lien vers la conférence filmée), j’ai tout d’abord lu (lien ouvrage de Mr Sampels) et suis parti me faire « retourner la tête » par les experts d’ATEMIS lors d’une formation de deux jours. C’était la semaine dernière.
Ce post est avant tout une digestion personnelle de ces apports – avec ma propre sensibilité – de la formation et de la lecture de l’ouvrage collectif produit par le « Club de l’Economie de la Fonctionnalité » (lien) : « L’économie de la fonctionnalité : une voie nouvelle vers un développement durable ? » [cet ouvrage est à réserver de mon point de vue à des lecteurs
avertis, l’approche de chercheurs étant parfois déroutante pour le novice]. Commentaires de lecture à venir ultérieurement.
Ce court article est aussi destiné à partager avec mes collègues de l’association Carbon’at (lien) une vision du sujet dans la continuité de la courte synthèse sur les modèles émergents (lien); en préparation de notre évènement de janvier.
Tentative de définition
Le niveau zéro de l’Économie de Fonctionnalité serait de la définir comme étant le remplacement de l’acte de vente par la location du service associé. Je me suis très vite rendu compte que si l’Économie de Fonctionnalité était un immeuble de 10 étages, cette perception me laisserait au rez-de-chaussée ! C’est à la fois plus complexe et plus ambitieux.
La démarche est avant tout un questionnement sur la valeur produite et sa répartition entre plusieurs acteurs dont font partie les entreprises et les clients. C’est une réflexion non normée et profondément intime à chaque activité, poussant à envisager la recherche de solutions d’usage plutôt que de rester enfermé dans la logique de production de biens destinés à remplacer les précédentes versions. On cherche à vendre de la performance d’usage / effets utiles.
L’économie de Fonctionnalité nous laisse entrevoir la désindexation du volume et de la valeur ; ce qui doit répondre à la prise en compte des enjeux du développement durable dans notre économie. En effet, le système productiviste en place présente l’indéniable défaut d’autoalimenter en permanence un cercle vicieux bien douloureux pour notre planète : amélioration de la productivité (par la production de masse) => baisse de prix unitaire => accès à de nouveaux marchés => augmentation des quantités produites (et épuisement des ressources associées…) => nouvelle recherche d’amélioration de la productivité etc….
Jeremy Rifkin, dans son dernier livre, prédit que nous allons atteindre sous peu un seuil de productivité : il appelle ça le coût marginal zéro…
Le concept de l’Economie de la fonctionnalité, sans être une réponse à tout en soit, nous propose de créer de la valeur autrement, en minimisant le poids des « externalités négatives » (pollutions, épuisement des matières premières…). Rien que pour cette perspective de réconciliation du couple production de valeur / développement durable ; ça vaut le coup de creuser le sujet, non ?
La coopération et la confiance au centre
La réflexion sur la définition de l’offre doit être, dans le contexte de l’Économie de Fonctionnalité, co-construite avec le client. Il faut être conscient que le passage à l’offre de solution (intégrant du service) nécessite d’arbitrer sur le mode de rémunération de l’offre (plutôt de la répartition de la valeur créée entre les différents acteurs) et que le service étant coproduit avec le client, les résultats sont tributaires de ce binôme. Pas de confiance, pas de deal, pas de performance accessible.
Exemple, si comme LYRECO vous proposez de faire gagner de l’argent à vos clients en optimisant les commandes selon vos besoins (et de se rémunérer sur ce rôle de « conseiller à la consommation bureautique » tout en vous faisant baisser votre facture par le jeu de l’adaptation), vous dépendez des dérives d’usages de votre client.
La mesure de « l’effet utile » n’est pas toujours évidente et donc parfois difficilement contractualisables. La confiance rentre en jeu et on sort de la recherche permanente du moins disant économique. Pas facile dans notre contexte morose; mais pas impossible.
La place de l’Homme
J’ai été surpris de constater qu’ATEMIS, place le travail (et l’Homme au travail) au centre de toute réflexion sur les nouveaux modèles économiques. La question de la Santé, de la place donnée à l’Homme dans l’entreprise, m’ont beaucoup évoqué toutes les réflexions en cours sur le « travail libéré » (lien) et le « happy management » (lien). Les ressources immatérielles sont au centre des débats. On oppose la finitude des ressources matérielles à l’infinitude des ressources immatérielles. L’enjeu est bien de développer les compétences, la confiance, la santé, la pertinence de l’offre, l’image tout en diminuant sa dépendance aux ressources matérielles.
Autre point : pas de modèle économique nouveau sans changement de paradigme et sans remise en cause des modèles traditionnels de management en entreprise. C’est là que mes pratiques de consultant « Système de Management » ont été mises à mal. Top tôt pour moi pour disserter sur mes réflexions sur le sujet mais, clairement, mon ambition est dorénavant de proposer de l’interprétation de normes compatible avec ces principes ergonomiques (ergonomie étant à entendre ici au sens le plus large du terme). La conformité est largement insuffisante. Bref, comme tout le monde, je mets à jour mon logiciel.
Ambition ultime
L’ambition ultime de l’Économie de fonctionnalité est de se positionner au niveau de la recherche de solutions au niveau des territoires. L’exemple de GESCALL est surprenant. Cette entreprise de service (prise de rendez-vous téléphonique pour les médecins) s’est auto saisi du sujet de la santé des médecins (risque de burn-out), de la coordination pour ne pas engorger les Urgences… Elle donne de la valeur ajoutée supplémentaire à son activité, quitte à solliciter les autorités de tutelle et se positionner comme un acteur qui comble des manques.
Conclusion
Je proposerai sur ce blog des illustrations dans les mois qui viennent sur le sujet. Il me parait cependant capital d’accepter l’idée qu’aucun cas particulier n’est reproductible et que l’enjeu est bien ici d’ouvrir le champ des possibles et de rendre développement économique compatible avec les principes du développement durable. La difficulté de la mise en œuvre ne gomme pas la pertinence de cette approche.
Attention, je pense aussi qu’il ne faut pas ériger en dogme ce nouveau modèle économique, avec le risque de la perception d’un effet de mode. Ce modèle se cherche et se construit pour le moment. Retenons quand même que les chefs d’entreprises qui sont passés dans les groupes collectifs dans le Nord-Pas-de-Calais ou ailleurs, en ont tous tiré des enseignements pour leur cas particulier. Ils voient tous les choses différemment maintenant.
Pour finir, jetez un coup d’œil à la matrice ci-dessous et positionnez vos activités. Travailler sur les modèles industriels propres est-il pour vous une finalité ou une étape pour aller plus loin ?

A suivre…