Chronique Ecolo-Buissonnière n°27 : Retour vers le futur
Posté par Jean-Luc DOTHEE le 4 mars 2020
Cette chronique est la 3ème des quatre chroniques proposées aux candidates nantaises aux Municipales 2020. Je n’ai pas écrit les chroniques en lien avec le programme ou le profil des candidates présentes au moment du méfait.
Le son est ICI.
Marie ? Elisabeth ?
…
xxx
Vous m’entendez ?
…
xx
J’ai un problème. Et pas qu’un petit… Ce matin, j’ai pris le jus en voulant récupérer ma tartine dans le grill pain avec ma fourchette. Ça a fait un grand éclair blanc et paf plus rien ! Je crois que je suis tombé dans les pommes et quand je me suis réveillé je me suis retrouvé dans une grande pièce toute blanche. Par terre.
xx
Pétard les filles j’étais mal… je me voyais déjà arrivé dans la gare de triage céleste !
xx
Puis des gens sont rentrés. Ils m’ont demandé de quand je venais.
J’ai trouvé la question incongrue. On demande aux gens d’où ils viennent, comment ils viennent, pourquoi ils viennent éventuellement mais demander de quand on vient…
Alors j’ai souris.
Pas eux.
Ils me regardaient de haut, un peu comme des flics parleraient à un délinquant inconscient de la gravité de ses actes dans une mauvaise série de France 3.
Ils ont pris une heure pour m’expliquer. Leur discours était rodé. Je n’étais visiblement pas le premier. J’ai compris. Je crois.
xx
Je suis bloqué dans le futur.
Je suis à Nantes en 2103 et je leur ai dit de quand je venais. Ils savent que je suis né en 1975, en pleine crise pétrolière, que je me suis éclaté dans les années 90-2000 en roulant des milliers de km dans des « Réservoirs » (c’est comme ça qu’ils appellent les voitures en 2103). Ils ont été surpris de savoir que j’avais pris l’avion… plusieurs fois.
xx
Ils m’ont expliqué qu’ils ne me voulaient pas de mal. Ils disaient qu’ils voulaient seulement comprendre ; qu’une grande partie des archives de mon époque avaient disparu à cause des « évènements » et en tant que seul représentant disponible des hommes du passé, ce groupe d’historiens cherchaient à refaire le film. Moi je trouvais que ça ressemblait à une sorte de procès à charge.
xx
Des heures durant, dans la grande salle blanche, un jury m’a questionné. Ils ont fait des efforts sociaux mais leurs regards étaient lourds. Je lisais leur mépris et leur dégout devant mon récit. Bêtement, j’ai rapidement pris le parti de répondre à leurs questions. Je leur ai parlé de mes vacances, de ma vie, de mon travail. Je leur ai dis que je suis quelqu’un de très vigilant à mon impact environnemental, que je prends le train quand je peux et j’achète mon énergie chez Enercoop, que je prends l’avion une fois tous les 10ans… La discussion s’est envenimée. La petite dame du fond avec la longue tresse, a explosé et m’a criée que ma génération avait dilapidé son avenir à elle, que mon inconséquence devait être punies. Elle est sortie en pleurant.
xx
Gros, gros malaise. Les autres ont essayé de me rassurer et m’ont demandé de leur parler de la Nantes de 2020.
J’ai été obligé de leur dire qu’on chauffait les terrasses pour pouvoir consommer notre bière dehors en hiver. Pour certaines candidates même que les terrasses chauffées étaient l’âme de nos villes! Stupéfaction. Ils pensaient que c’était une légende. Ils m’ont encore engueulé et ils ont fait les calculs devant moi. Une seule terrasse consommant 50 400 kWh de propane par hiver, elle rejetait 13,7 tonnes de gaz carbonique. Pour une seule terrasse ! 122 000 km en berline (Lien)
x
J’ai aussi du leur parler de la climatisation des magasins l’été et des portes ouvertes, du chauffage des rues l’hiver. Je leur ai dit. Je leur ai dit comment, dans les années 20 encore, les enseignes nationales imposaient à leur personnel de laisser les portes ouvertes en dépit de toute logique de sobriété énergétique. Je leur ai cité un article de Ouest France lu peu de temps avant mon accident temporel. « Tant que les températures sont acceptables, nous proposons à nos boutiques d’ouvrir les portes afin de favoriser le plus grand confort de notre clientèle. ». Lien
x
Bref les sujets se sont succédé puis on a arrêté le procès en écocide. J’étais vidé. Moi, l’engagé dans mon monde était devenu le pire des salauds dans le monde de demain. Je me suis dis que ce serait une belle expérience à proposer à nos élus pour sortir de la myopie du quotidien.
x
D’ailleurs c’était le sujet suivant.
Pour mes interlocuteurs il était de notre responsabilité – celle de nos gouvernements locaux qu’ils ont appelé ça – de réguler et interdire ces pratiques déviantes et mortifères dans un monde où nous connaissions la dérive climatique. Je leur ai parlé de nos engagements, de nos premières actions…
La discussion pris alors un tour inattendu. Ils m’ont demandé comment les décisions locales étaient prises. Comment les habitants étaient formés, impliqués et mis à contribution dans l’action publique. Ils ne pouvaient croire que de citoyens informés pouvaient ainsi creuser leur tombe. J’ai expliqué nos élections et tout et tout…
Ils ont pris un air entendu. Genre. OK boomer, on a compris.
xx
Ils m’ont parlé de manque de démocratie.
J’ai pris la mouche à mon tour et j’ai expliqué que nous étions en démocratie puisque des élections régulières désignaient les plus pertinents d’entre nous pour prendre les meilleures décisions d’intérêt collectif.
x
« Comment avez-vous pu exclure les principaux intéressés de la décision publique ! comment vous êtes-vous laissé confisqué l’action !».
Je leur ai dit que pour être efficace on ne pouvait pas non plus se permettre d’impliquer en permanence les citoyens. J’en suis là…
xx
La Colère gronde maintenant et j’ai peur pour mon intégrité physique.
xx
SVP, demandez concrètement, opérationnellement, quelles dispositions de démocratie citoyenne votre invité a prévu de mettre en œuvre pendant son mandat.
Moi, faut que je trouve une DeLorean pour rentrer, A bientôt, j’espère….
Publié dans CHRONIQUES ECOLO-BUISSONIERE, Non classé | Pas de Commentaire »