Lu : « Vers la sobriété heureuse » de Pierre Rabhi
Posté par Jean-Luc DOTHEE le 12 avril 2014
Voici un bel ouvrage. Un essai philosophique remettant en cause notre relation au temps, à la consommation, aux générations précédentes, aux générations à venir, à la religion, à l’argent, à la croissance… Ne cachons pas que la « sobriété heureuse » promotionne une forme de décroissance économique conventionnellement rejetée par tous les « sachants » (sur le sujet, je vous recommande le récent édito de Thomas Legrand sur le sujet : lien).
Pierre Rabhi sait nous renvoyer, en effet miroir, des faits trop évidents pour que nous puissions les assimiler, embarqués dans notre quotidien stressant. Rafraichissant, perturbant, bien écrit, pétri de bon sens, déconnecté de la réalité économique, rassurant, inquiétant, nostalgique, avant-gardiste en un certain sens…
Plutôt que de débattre stérilement du sujet croissance ou décroissance, je veux partager ma petite histoire de lecteur de « Vers la sobriété heureuse ». Il y a toujours une histoire personnelle parallèle à une lecture. Parfois les évènements lus se télescopent avec notre réalité. C’est le cas ici.
Donc, il se trouve que pendant la lecture de ce livre, j’étais en déplacement professionnel au Maroc. Je me trouvais non loin de l’Algérie natale de Pierre Rabhi; Algérie où il entendait, enfant, le « chant de l’enclume » (son papa était forgeron et admiré par son fils).
Mon premier déplacement au Maghreb, couplé à la lecture de ce livre traitant notamment de notre relation au temps et au travail, m’a probablement rendu réceptif à des faits anodins qui m’ont fait réfléchir. Je partage.
Au Maroc, dans les restaurants, à l’hôtel (…), j’ai été marqué par le nombre important de personnes disposées à servir le client. Parfois plus de personnel de service que de clients ! Mon premier réflexe d’européen conditionné a été de me dire que cette « débauche » de moyens humains n’était pas efficace. On pouvait surement faire aussi bien avec moins de personnes. C’est du bon sens… Et puis j’ai trouvé mon cheminement intellectuel totalement idiot ! Donner un travail à un maximum de personnes est une finalité en soit plus qu’un moyen. Une personne qui a un travail, a une vie sociale, fait fonctionner l’économie, a plus de chance d’être « heureuse ».
Et en quoi avoir des périodes de non production dans son travail est-il reprochable ?
Depuis longtemps, je milite pour baisser les taxes sociales et augmenter les taxes environnementales. Je me suis toujours dis que cela permettrait de mieux agir sur nos pratiques environnementales et favoriser l’embauche ; mais serait-ce vraiment le cas ? Nous nous sommes tellement habitué à considérer le travail comme une charge à optimiser que je ne suis plus sûr que nous pourrions changer. La finalité n’est pas de donner du travail mais de faire le travail avec le moins de personnes possibles. Quitte à automatiser à outrance (lien article des Échos), faire que de moins en moins de personnes aient un travail et que ces dernières y passent de plus en plus de temps.
Je terminerai avec une phrase du livre objet de ce post, citation d’une relation nord-africaine de Pierre Rabhi :
« les occidentaux inventent des outils pour gagner du temps et sont obligés de travailler jours et nuits »
Pour voir et écouter Pierre Rabhi : vidéo
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