Lu : Le Gang de la clef à molette

Posté par Jean-Luc DOTHEE le 19 septembre 2015

Subversif, drôle, captivant, addictif, dérangeant : voici quelques mots pour caractériser mon état d’esprit à la sortie des 540 pagesCapture du « Gang de la Clef à molette ». A lire bien sûr (sauf si vous êtes concessionnaire de machinisme industriel).

 

Ce roman m’avait été présenté comme un road-movie d’activistes environnementaux. J’avais hâte, j’ai été surpris, un peu déçu au départ et en difficulté de conscience. En effet, ma nature légaliste a fait que j’ai eu un peu du mal à me détacher de ma réalité et à recevoir tous les évènements de sabotages qui jalonnent l’histoire. Les pollutions volontaires engendrées par le « gang » sont nombreuses : engins de chantier purgés de leurs fluides à même le sol, balancés dans des canyons, explosions en tout genre, arrachages et combustions de panneaux publicitaires dans le désert, ajout d’un peu de sucre dans les réservoirs de bulldozers et autres monstres jurassiques du développement industriel.

Puis, lecture faisant, derrière les actes illégaux, c’est la critique d’un monde fou que j’ai lu. Ce que l’auteur appelle la « machine énorme », ce n’est rien d’autre qu’un système fou qui s’auto-alimente : extraction de charbon (couteux en eau et destructeurs de paysages et d’hommes) pour faire tourner des usines thermiques qui produisent l’électricité dont a besoin notamment l’extracteur de charbon pour fonctionner ! Les routes, les ponts pour permettre l’extraction et au final alimenter une machine folle qui métastase et pourquoi ?

« Tout ça pourquoi ? voyons monsieur : pour éclairer les lampes de banlieues de Phoenix non encore construites, pour faire marcher tous les climatiseurs de San Diego et Los Angeles, pour noyer de lumière les parkings des centres commerciaux à 2 heures du matin […] »

Résumer l’histoire, ce serait dire que ces désastres ont trop titiller la « conscience » de quatre bougres au point qu’ils vont décider de mettre des bâtons dans les roues à la Machine.

Pour que ça marche il fallait des personnages haut en couleurs. Celui de Hayduke est exceptionnel. Un vétéran du Vietnam totalement desociabilisé, toujours fortement alcoolisé, vulgaire, sale, amoureux de la Nature, de ses paysages mais jetant par exemple ses canettes de bières par la fenêtre considérant que ce sont les routes qui sont ainsi salies et non la nature (et comme les routes sont des éléments à détruire dans son référentiel, cqfd).

Pour que ça marche, il fallait aussi un style, une écriture et franchement, ce bouquin, c’est du plaisir à tous les coins de phrases. Quelques citations valent mieux que des commentaires.

 

« Est-ce qu’on sait ce qu’on fait, et pourquoi ?
– Non.
– Est-ce que c’est gênant ?
– On élaborera ça au fur et à mesure. Laissons notre pratique informer la doctrine, cela garantira la précision de notre cohérence théorique. »

 « Nul ne peut dire avec précision si un pin est sensible ou non, ni jusqu’à quel degré un organisme de ce genre peut souffrir ou avoir peur. De toute façon, les constructeurs de route ont d’autres chats à fouetter, mais il est clairement et scientifiquement prouvé qu’un arbre vivant, déraciné, met plusieurs jours à mourir »

« Eh bien disons, chérie, que si Love était tout seul j’te dirais que non, l’en faudrait plus pour le leurrer. Mais avec son équipe les choses sont différentes. Un homme seul, ça peut être assez con, mais si tu veux de la vraie bonne grosse connerie, il y a rien de mieux que le travail en équipe. »

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Lu : Wangari Maathai, celle qui plante les arbres

Posté par Jean-Luc DOTHEE le 16 août 2015

Les vacances sont un bon moment pour lire. Cette année, en plus du plaisir de la lecture des livres de CaptureFred Vargas (j’adore) et de celui de l’excellent Check-Point de Ruffin, je suis très heureux d’avoir découvert dans les archives littéraires familiales « Celle qui plante les arbres« , auto-biographie de Wangari Maathai.

Comment est-il possible que je sois passé à côté de ce destin extraordinaire jusqu’à cette année ?

Ce n’est pas le style littéraire qui est ici intéressant, mais le parcours extraordinaire de cette femme, née en 1940, « nobélisée » en 2004, décédée en 2011.

Wangari Maathai a eu l’enfance africaine de millions de petits africains : aux champs au contact quotidien de la Terre nourricière, dans un Kenya gérant tant bien que mal sa transition post-coloniale, au sein d’une famille traditionnelle. Plus tard, elle a eu plusieurs chances : la première, des parents qui envoient une de leurs filles à l’école, la seconde, l’opportunité de faire ses études aux USA dans le cadre d’un programme international. De retour au Kenya, elle aurait pu capitaliser sur ce double coup de pouce du destin, devenir fonctionnaire, cadre féminin dans l’élite d’un pays en reconstruction; ce qui aurait déjà été remarquable.

Mais voilà, elle a choisi de se battre sur plusieurs fronts tout au long de sa vie : féminisme, corruption, pauvreté, écologie. Car pour elle tous les sujets étaient liés. Pas de bonne gouvernance sans prise en compte de l’éco-système… et réciproquement. Une pensée révolutionnaire qui lui valu de nombreux passages en prisons.

Son œuvre : le Mouvement de la Ceinture Verte, qui a permis de planter plus de 40 millions d’arbres en faisant participer les paysans (paysannes surtout) au sein d’un réseau qu’elle a mis des années à construire. Le mouvement continue : greenbeltmovement.org 

Ce livre est profondément humain et je crois avoir aimé par dessus tout la description d’une Afrique rurale proche et consciente de sa dépendance à son biotope (même si elle ne le dit et ne le vit pas avec ces mots techniques). Au delà des constats de défaillances bien connus de l’Afrique contemporaine (corruption, destruction massive de l’éco-système pour répondre à un besoin urgent de croissance…), une voie (verte) s’est ouverte.

J’aime les arbres et j’aime les belles histoires. Une telle réussite est rare et doit être porteuse d’espoir. Respect Mme Wangari Maathai.

Pour en savoir plus, voir le film hommage : lien 

et le discours de cette grande dame au World Forum de Lille, invitée en 2008  : lien

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Lu : Le scénario Zéro Waste [Zéro Déchet, Zéro Gaspillage]

Posté par Jean-Luc DOTHEE le 27 mars 2015

La semaine dernière, j’animais en tant que parent d’élève, un atelier « déchet » auprès d’enfants de classe maternelle dans mon village (organisé par TRIVALIS, le syndicat vendéen de gestion de déchets) et j’ai été positivement surpris de la culture des enfants et de leur réceptivité sur le sujet. Ce petit évènement de mon quotidien plus la naissance d’un mouvement nantais « Zéro déchets » que je suis par les réseaux sociaux (lien) m’ont donné envie de creuser un peu la mouvance « Zéro déchet » et j’ai acheté, un peu au hasard, ce petit livre.

Après avoir adoré le scénario Négawatt (lien) et en avoir lu bien d’autres proposant des voies nouvelles à explorer (Économistes attérés, Le Plan B de Lester Brown ou plus récemment Faim Zéro de Bruno Parmentier…), j’ai donc découvert dans le petit recueil « Zéro Waste »  (vendu 8 €, ce qui n’est pas du vol), la promesse d’un monde plus « circulaire » que « linéaire ».Capture

Commençons par les messages de ce livre que je partage sans réserve :

  • agir localement,
  • inciter à la réparation,
  • bannir le plus possible le jetable,
  • légiférer pour lutter contre l’obsolescence des produits manufacturés,
  • valoriser l’économie de la réparation,
  • développer la culture de l’usage plutôt que de la possession (sujet qui me tient à cœur : lien),
  • organiser le compostage partout,
  • inciter fiscalement au tri…

Les retours d’expérience de quelques collectivités italiennes ou américaines – proposés dans ce livre – devraient permettre à nos territoires de définir un « plan ». Reste à voir qui représentent vraiment ces territoires (élus ? citoyens s’auto-saisissant du sujet ? probablement un peu des deux).

Bon vous me voyez venir, j’ai aussi quelques réserves à émettre suite à cette lecture :

  • La somme des plus belles initiatives ne fait, selon moi, pourtant pas « un scénario »…J’attendais une vision globale, avec des priorités, avec une évaluation des effets induits (histoire de ne pas dépenser trop d’énergie sur ce qui rapporte peu de résultats…). Chiffrer quoi… Et ça, je ne l’ai pas vraiment trouvé.
  • Ma légère déception suite à cette lecture, vient aussi du fait que les auteurs ont parfois une vision très mono-critère « déchets » et ne s’attachent pas suffisamment à envisager les choses sous un angle global. Quel sens y a t-il à promouvoir des solutions diminuant les déchets mais augmentant significativement la consommation d’eau / production d’eaux usées ou les émissions de GES ?
  • J’ai enfin trouvé la description de ce que sont sensés être les unités industrielles de traitement de déchets (incinérateurs, centres d’enfouissement) peu objective. Bien sur, les notions de risques et de pollutions sont réelles; mais de là à postuler que ces unités sont dénuées de toute utilité, ça m’a fait penser à un commentaire de Gaëlle Giraud (conférence ATEE du début de l’année) qui expliquait que la « cause » climatique avait beaucoup souffert des raccourcis simplistes des années 70/80. En disant qu’il n’y aura plus de pétrole dans 50 ans et en faisant le constat qu’il en reste 50 ans après, les « conservateurs » de tout poils tiennent un argument de choc! Nous n’avons aucun intérêt à gommer la complexité des choses et, pour en revenir aux déchets, nous avons évidemment besoin de groupes industriels, ne serait-ce que pour investir dans des unités de valorisation de la matière (quelque soit les efforts fait pour ne pas gaspiller, ne plus produire de déchet en amont). Ne pas dire ça, c’est dessiner un scénario irréaliste. Tout ne se passera pas demain dans les recycleries de quartier.

Pas beaucoup de place à la complexité ici…

 

Pour terminer sur le sujet, sachez que Béa Johnson, une aventurière du « 0 déchet à la maison » (lien vers son blog), tiendra conférence à Nantes le 1er avril à 19h.

Capture

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Référence : Guide sur l’Ecologie Industrielle et Territoriale

Posté par Jean-Luc DOTHEE le 15 février 2015

Voici un nouveau document de « RéférenceS » et de qualité produit par le Commissariat Général au Développement Durable (lien). Il cause d’Écologie Industrielle et il est très complet… (trop complet ?).Capture

C’est un investissement temps de parcourir les 212 pages de ce document à une époque où nous sommes assaillis de publications de toute part (je sors juste de la lecture du rapport du député Potier sur l’état de notre agriculture qui est tout aussi long et tout aussi intéressant même si le constat n’est pas glorieux – lien). 

Je pense que ce travail aurait mérité une certaine épuration de contenus. Ceci dit, on ne peut pas se plaindre de la compilation de définitions, de méthodes, de retours d’expériences, d’argumentaires (…), surtout lorsque l’on est confronté à une volonté d’expérimentation sur son territoire.

Attention, ici, pas de dangereuse confusion : EI désigne « Écologie Industrielle » et non « État Islamique ». On est bien d’accord que cette phrase n’aurait alors aucun sens : « L’EI peut pEIT1orter sur une filière, une entreprise, un établissement industriel, une zone industrielle, un territoire, une région, une matière… etc. ”

Blague à part, pour définir le sujet, il est bon de compléter a notion « d’Écologie Industrielle » avec celle de « Territoire » car le fond d’une telle démarche est bien celui-ci :

« Quantification des flux de ressources (matière, eau, énergie) et optimisation de leur utilisation dans le cadre d’actions coopératives territorialisées et innovantes ».

L’intérêt d’une écologie territoriale repose sur le fait que le territoire apparaît aujourd’hui clairement comme la bonne échelle de réflexion écosystémique entre milieux et sociétés humaines. L’objectif d’une telle démarche créer des « synergies et des mutualisations » entre les différentes activités humaines pour augmenter notre efficacité dans la consommation de matières non renouvelables.

Pour ce faire les auteurs recommandent vivement de raccorder les Agendas 21 et les projets EIT pour donner du sens à ce type de projets. La première difficulté étant l’identification d’un animateur / coordinateur / initiateur, les Agendas 21 ou les Plans Climat ont donc l’intérêt de l’existence et de la transversalité.

Une telle démarche s’étale sur 5 à 10 années et débute le plus souvent par un « Diagnostic du métabolisme du Territoire ».

Parmi les écueils identifiés , il convient de ne pas limiter le champ de l’EIT à la question des DÉCHETS. Élargir les thèmes, penser ressources, transversalité.

Un gros intérêt de ce « guide » est de proposer des méthodes de travail, notamment sous la forme de « Fiches actions » opérationnelles. Les retours d’expériences et témoignages sont riches d’enseignements et on dispose même dans ce guide des coordonnées des acteurs pour éventuellement les solliciter (ce que je risque de faire pour Carbon’at…).

Bon doc.

Capture

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Lu : Faim Zéro : en finir avec la faim dans le monde de Bruno Parmentier

Posté par Jean-Luc DOTHEE le 31 janvier 2015

J’ai eu l’occasion de croiser sur mon chemin Bruno Parmentier (formation CHEDD), et depuis je suis ses pCaptureublications (commentaire de son avant-dernier livre) et son blog (lien).

Voici un ouvrage qui présente le mérite de réaliser un panorama des enjeux associés à la faim dans le monde. Le titre fait référence au plan « Faim Zéro » développé par le président brésilien Lula et qui a donné des résultats impressionnants.

Quels enjeux ? quels freins ? quelles priorités d’actions ?

Rappelons que la Terre hébergeait en 2010 850 millions de sous-alimentés (et paradoxalement près de 550 millions d’obèses !). Ce chiffre est d’une étonnante stabilité depuis les années 60 : ça veut dire que « la communauté internationale » arrive à améliorer le ratio (la démographie a continué d’augmenter) mais pas la valeur absolue. Difficile de se satisfaire de ce « résultat ».

L’enjeu politique

Pour Bruno Parmentier « la faim est politique et son éradication aussi« . Sa vision oscille entre l’optimisme des possibles (plus d’agriculture urbaine, partage des compétences pour améliorer la productivité des pays sur la « corde », améliorer les stockages de céréales…) et les constats de faiblesses de l’organisation mondiale en place pour ne pas que le meilleur arrive. 

Notamment, la doctrine « OMC » qui peut se résumer de la façon suivante : spécialisons les zones de production (« vous, vous ferez de la banane et que de la banane, vous du café et vous des fruits pour l’export« ) avec une croyance totale dans la vertu du marché mondialisé pour équilibrer les productions. Oui mais voilà, depuis 2007, on sais qu’en cas de tension sur les marché de base (céréales…), les pays à qui on a imposé la « spécialisation de la production », n’ont pas les moyens d’assumer l’augmentation des prix. Fautes d’autosuffisance et de sous, on observe alors des émeutes de la faim (Égypte…). Une première préconisation est d’arrêter d’empêcher les pays de la planète à produire leur minimum de cultures vivrières (ce que nous faisons notamment par le jeu des subventions et des droits de douane).

Aviez vous conscience par ailleurs des réalités de la répartition de la valeur, toujours largement défavorable aux producteurs (dans l’intérêt du consommateur que je suis mais aussi et surtout des intermédiaires et des spéculateurs sur les marchés) ? Par exemple, seulement 12% de la valeur de la banane va au producteur et 2% pour le producteur de café ! Moi, j’ai honte.

Triste paradoxe enfin : »les pays pétroliers et miniers sont souvent des pays de la faim« . Cupidité de certains + guerre = famine. C’est pas une surprise malheureusement.

L’enjeu démographique

Bien sur, le volet démographique est un enjeu largement développé dans l’ouvrage. D’ici 2050, par exemple, j’ai appris que le triptique  Inde+Pakistan+Bangladesh hébergerait 2,2 milliards de personnes qu’il faudra nourrir sur un territoire deux fois plus petit que les USA ! La vraie problématique est la capacité de produire à proximité immédiate des habitants. Contrairement à ce que certains pensent, la Chine a plutôt bien réussi ce challenge; par contre l’Inde est dors et déjà en difficulté (1/4 des affamés sur Terre est indien et un autre quart est subsaharien).

En lisant récemment « O Mali » d’Erik Orsena, je n’ai pas vu autre chose que la mise en valeur cet enjeu : maitriser la natalité des pays les plus pauvres. Une piste nous est offerte avec l’exemple de l’Iran, où l’éducation des femmes a permis de faire passer le taux de fécondité de 7 à 1,9 (quand le taux le taux d’alphabétisation est passé dans le même temps de 28 à 90%). Bien sur, la culture des pays est un autre point essentiel.

La surpopulation ne concerne pas que les humains, celle des animaux d’élevage a semble-t-il atteint un paroxysme. Ils étaient 7 milliards en 1960 et 30 milliards en 2012! Mangez moins de viandes!

L’enjeu climatique

Pour ne rien arranger 4,5 milliards de personnes vivent dans des zones fortement exposées aux conséquences du réchauffement climatique. Que ce soit en terme d’épisodes de « catastrophes naturelles » ou d’impacts sur les cultures au quotidien (salinisation d’espaces cultivés devenant impropres aux cultures du fait de la montée des eaux, manques d’eau…).

Une notion intéressante sur le sujet de la gestion des épisodes de crises post-catastrophe :l est beaucoup plus facile de supporter une diète de quelques jours quand on a été « bien » nourri avant, que lorsque ont été déjà sous-alimenté. L’important n’est pas l’urgent.

L’enjeu de maintien des surfaces arables

100 000 km2 de terres cultivables sont perdus chaque année du fait de l’artificialisation des sols pour des usages urbains – périurbains. Quand en 1960, la Terre disposait de 0.5 ha cultivé / humain, en 2010, c’était 0.25 ha et la projection pour 2050 est 0.16 ha. L’exigence d’intensification et de rendement explose !

En France, on peut peut-être commencer par arrêter de faire 500 ronds-points par an ? (auteur). Idem pour les projets routiers inutiles (moi) !

En conclusion

Ce livre pose les bases des constats de nos défaillances et ouvre des voies pour arriver à l’objectif « Zéro Faim » (il explore bien d’autres champs que ceux abordés ici). Illustré de nombreuses données chiffrées, il constitue une brique nécessaire à l’éveil de la conscience collective. Il devrait être offert à nos politiques (comme beaucoup d’autres) afin de sortir de l’urgent et causer de l’important. A lire.

 

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L’économie de la fonctionnalité ou « comment vendre des solutions plutôt que des produits »

Posté par Jean-Luc DOTHEE le 13 octobre 2014

L’intégration des principes de l’économie de la fonctionnalité est mon actualité brulante, notamment dans le cadre de l’organisation d’un évènement public Carbon’at sur le sujet, prévu en début d’année prochaine. Ce sujet fera l’objet d’autres posts dans les semaines à venir, bien évidemment.

Dans le parcours initiatique qui est le mien depuis l’année dernière au World Forum de Lille – où j’ai eu la chance d’assister à une conférence sur le projet Économie de la Fonctionnalité mené dans le Nord-Pas-de-Calais (lien vers mes commentaires, lien vers la conférence filmée), j’ai tout d’abord lu (lien ouvrage de Mr Sampels) et suis parti me faire « retourner la tête » par les experts d’ATEMIS lors d’une formation de deux jours. C’était la semaine dernière.

Ce post est avant tout une digestion personnelle de ces apports – avec ma propre sensibilité – de la formation et de la lecture de l’ouvrage collectif produit par le « Club de l’Economie de la Fonctionnalité » (lien) : « L’économie de la fonctionnalité : une voie nouvelle vers un développement durable ? » [cet ouvrage est à réserver de mon point de vue à des lecteurs Captureavertis, l’approche de chercheurs étant parfois déroutante pour le novice]. Commentaires de lecture à venir ultérieurement.

Ce court article est aussi destiné à partager avec mes collègues de l’association Carbon’at (lien) une vision du sujet dans la continuité de la courte synthèse sur les modèles émergents (lien); en préparation de notre évènement de janvier.

 

Tentative de définition

Le niveau zéro de l’Économie de Fonctionnalité serait de la définir comme étant le remplacement de l’acte de vente par la location du service associé. Je me suis très vite rendu compte que si l’Économie de Fonctionnalité était un immeuble de 10 étages, cette perception me laisserait au rez-de-chaussée ! C’est à la fois plus complexe et plus ambitieux.

La démarche est avant tout un questionnement sur la valeur produite et sa répartition entre plusieurs acteurs dont font partie les entreprises et les clients. C’est une réflexion non normée et profondément intime à chaque activité, poussant à envisager la recherche de solutions d’usage plutôt que de rester enfermé dans la logique de production de biens destinés à remplacer les précédentes versions. On cherche à vendre de la performance d’usage / effets utiles.

L’économie de Fonctionnalité nous laisse entrevoir la désindexation du volume et de la valeur ; ce qui doit répondre à la prise en compte des enjeux du développement durable dans notre économie. En effet, le système productiviste en place présente l’indéniable défaut d’autoalimenter en permanence un cercle vicieux bien douloureux pour notre planète : amélioration de la productivité (par la production de masse) => baisse de prix unitaire => accès à de nouveaux marchés => augmentation des quantités produites (et épuisement des ressources associées…) => nouvelle recherche d’amélioration de la productivité etc….

Jeremy Rifkin, dans son dernier livre, prédit que nous allons atteindre sous peu un seuil de productivité : il appelle ça le coût marginal zéro…

Le concept de l’Economie de la fonctionnalité, sans être une réponse à tout en soit, nous propose de créer de la valeur autrement, en minimisant le poids des « externalités négatives » (pollutions, épuisement des matières premières…). Rien que pour cette perspective de réconciliation du couple production de valeur / développement durable ; ça vaut le coup de creuser le sujet, non ?

La coopération et la confiance au centre

La réflexion sur la définition de l’offre doit être, dans le contexte de l’Économie de Fonctionnalité, co-construite avec le client. Il faut être conscient que le passage à l’offre de solution (intégrant du service) nécessite d’arbitrer sur le mode de rémunération de l’offre (plutôt de la répartition de la valeur créée entre les différents acteurs) et que le service étant coproduit avec le client, les résultats sont tributaires de ce binôme. Pas de confiance, pas de deal, pas de performance accessible.

Exemple, si comme LYRECO vous proposez de faire gagner de l’argent à vos clients en optimisant les commandes selon vos besoins (et de se rémunérer sur ce rôle de « conseiller à la consommation bureautique » tout en vous faisant baisser votre facture par le jeu de l’adaptation), vous dépendez des dérives d’usages de votre client.

La mesure de « l’effet utile » n’est pas toujours évidente et donc parfois difficilement contractualisables. La confiance rentre en jeu et on sort de la recherche permanente du moins disant économique. Pas facile dans notre contexte morose; mais pas impossible.

La place de l’Homme

J’ai été surpris de constater qu’ATEMIS, place le travail (et l’Homme au travail) au centre de toute réflexion sur les nouveaux modèles économiques. La question de la Santé, de la place donnée à l’Homme dans l’entreprise, m’ont beaucoup évoqué toutes les réflexions en cours sur le « travail libéré » (lien) et le « happy management » (lien). Les ressources immatérielles sont au centre des débats. On oppose la finitude des ressources matérielles à l’infinitude des ressources immatérielles. L’enjeu est bien de développer les compétences, la confiance, la santé, la pertinence de l’offre, l’image tout en diminuant sa dépendance aux ressources matérielles.

Autre point : pas de modèle économique nouveau sans changement de paradigme et sans remise en cause des modèles traditionnels de management en entreprise. C’est là que mes pratiques de consultant « Système de Management » ont été mises à mal. Top tôt pour moi pour disserter sur mes réflexions sur le sujet mais, clairement, mon ambition est dorénavant de proposer de l’interprétation de normes compatible avec ces principes ergonomiques (ergonomie étant à entendre ici au sens le plus large du terme). La conformité est largement insuffisante. Bref, comme tout le monde, je mets à jour mon logiciel.

Ambition ultime

L’ambition ultime de l’Économie de fonctionnalité est de se positionner au niveau de la recherche de solutions au niveau des territoires. L’exemple de GESCALL est surprenant. Cette entreprise de service (prise de rendez-vous téléphonique pour les médecins) s’est auto saisi du sujet de la santé des médecins (risque de burn-out), de la coordination pour ne pas engorger les Urgences…  Elle donne de la valeur ajoutée supplémentaire à son activité, quitte à solliciter les autorités de tutelle et se positionner comme un acteur qui comble des manques.

 

Conclusion

Je proposerai sur ce blog des illustrations dans les mois qui viennent sur le sujet. Il me parait cependant capital d’accepter l’idée qu’aucun cas particulier n’est reproductible et que l’enjeu est bien ici d’ouvrir le champ des possibles et de rendre développement économique compatible avec les principes du développement durable. La difficulté de la mise en œuvre ne gomme pas la pertinence de cette approche.

Attention, je pense aussi qu’il ne faut pas ériger en dogme ce nouveau modèle économique, avec le risque de la perception d’un effet de mode. Ce modèle se cherche et se construit pour le moment. Retenons quand même que les chefs d’entreprises qui sont passés dans les groupes collectifs dans le Nord-Pas-de-Calais ou ailleurs, en ont tous tiré des enseignements pour leur cas particulier. Ils voient tous les choses différemment maintenant.

Pour finir, jetez un coup d’œil à la matrice ci-dessous et positionnez vos activités. Travailler sur les modèles industriels propres est-il pour vous une finalité ou une étape pour aller plus loin ?

 

 Capture

A suivre…

 

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Lu : La Nouvelle controverse, pour sortir de l’impasse

Posté par Jean-Luc DOTHEE le 4 août 2014

Cette année, mon été est rythmé par d’excellentes lectures. Au delà de mes lectures « plaisir » (« Au revoir la haut« , « le gué du tigre« ), dans la famille Roudaut, après  Sandrine, je me suis permis d’inviter dans mon quotidien Yannick pour m’imprégner de sa « Nouvelle controverse ».

Je ne vais pas résumer ce livre mais je vais plutôt tenter d’en sortir quelques bribes et impressions personnelles pour, je l’espère, donner envie à de futurs lecteurs; car cette lecture est vraiment éclairante et propose un point de vue historique passionnant. Pour ceux qui n’ont pas besoin de la lecture pour digérer ce type de réflexions, il est aussi possible de « voir le livre » (très partiellement) sur cette vidéo filmée dans le cadre d’un TEdX Nantes en décembre 2013.

Capture

Yannick Roudaut nous propose donc une analyse s’appuyant notamment sur une comparaison de notre époque avec celle de la Renaissance. L’idée est de nous inspirer des plus éclairés de nos ancêtres qui, s’adressant à l’Elite du moment, bien que perçus comme des illuminés, ont réussi à changer « l’ordre des choses » durablement. Aujourd’hui, les enjeux sont différents; ils touchent à notre relation à la croissance, à l’exploitation de notre substrat qu’est notre unique planète… mais les pratiques contemporaines sont de la même manière présentées comme immuables alors que en place depuis quelques générations seulement. Pour illustration, à l’heure de l’esclavagisme, peu imaginaient possible de s’en passer ! Aujourd’hui nous en sommes heureusement revenus.

J’ai aimé cette vision d’un accès possible à  »une seconde Renaissance », surement plus puissante que celle de « Troisième Révolution Industrielle » chère à Rifkin (lien) car moins technologique et plus philosophique et donc mieux à même de donner du sens au changement. J’ai admiré l’optimisme de l’affichage des possibles de notre époque. 

Ce livre est d’ailleurs présenté comme le « début de l’histoire ». Il faut maintenant organiser une « nouvelle controverse »; solliciter le débat. A la manière des débats nous ayant précédés sur l’esclavagisme par exemple, sollicitons, questionnons, proposons l’échange. En lisant, j’entendais les mots d’une vielle chanson de Goldman : « tout mais pas l’indifférence » … devant la masse des enjeux auxquels nous sommes exposés.

Le vrai (et seul) problème auquel je me suis trouvé confronté en lisant ce livre – très bien écrit par ailleurs – est le fait que je sois totalement convaincu par les constats et les pistes à explorer proposées par l’auteur. Je suis à 100% en phase… et ce type de constat me pose paradoxalement soucis. J’ai en effet peur de m’enfermer de plus en plus dans un courant de pensée, j’ai peur de basculer dans la satisfaction permanente de l’illusion que les choses changent car mes lectures et interlocuteurs (que j’ai choisi) me renvoient l’image de ce que je crois, de ce que je veux.  Les convaincus ne sont pas à convaincre; et mon sentiment n’est pas que la masse de mes contemporains se retrouve dans les justes constats de « la nouvelle controverse ». Pourtant, il faut rester au contact de ceux qui ne sont pas dans ce « petit » (?) cercle de convaincus au risque de s’isoler, de se positionner en donneur de leçon. Comment élargir le cercle ?

La situation devait être la même au moment de la Renaissance et pourtant elle a bien eu lieu. Il doit y avoir un chemin.

Au fil du temps, je me suis convaincu que le problème n’était plus la difficulté d’expliquer techniquement les enjeux mais plutôt de remettre en cause notre relation au long terme. Plus grand monde veut voir disparaître les espèces animales, les forêts primaires ou veut absolument consommer du produit chimique sur ses tomates…. mais la tentation de remettre les sujets à ceux qui nous suivront pour assurer l’immédiateté de notre quotidien me paraît franchement castratrice.  Il faut peut-être s’attacher à convaincre de l’importance du long terme.

Bref, pour revenir au bouquin, je crois qu’il y a besoin d’objections et en ça la proposition du principe de la « controverse » est vraiment intéressant. Je ne sais pas quel retour et quel projet a Yannick Roudaut pour organiser réellement la « Nouvelle Controverse » mais je me dis, qu’un ou plusieurs évènements, à l’échelle du « tube à essai » mériterait d’être testé. Je verrai bien un panel d’une dizaine de personnes dont 2 ou 3 du monde économique, 2 ou 3 du monde représentatif (des « ex »élus), 2 ou 3 du monde associatif et quelques scientifiques (des sachants). Ces personnes devraient être sélectionnées pour leur intelligence relationnelle (pas de dogmatiques), leurs qualités humaines, leur expérience dans leur domaine, ne devraient pas avoir de mandat de représentation en cours… Les débats pourraient être publiques, filmés et bien sur animés par Yannick Roudaut !

J’ai eu envie de concret à la sortie de ce livre, d’action. C’était surement l’objectif.


 

 

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Lu : L’UTOPIE mode d’emploi

Posté par Jean-Luc DOTHEE le 22 juin 2014

Je suis vraiment très content d’avoir lu le premier livre de Sandrine Roudaut, qui n’est pas pour moi une inconnue puisque nous nous croisons régulièrement dans nos parcours respectifs, sur Nantes ou sur les réseaux sociaux (cf lien d’un post sur une conférence de Sandrine en 2012 portant sur « les mots du Développement Durable »). Pas facile dans ces conditions de commenter un livre quand on sait que son commentaire sera lu par l’auteur. Je m’y attelle quand même avec une sincère bienveillance.

L’Utopie Mode d’emploi, sous-titré Modifier les comportements pour un monde soutenables et désirable, est publié aux éditions de La Mer Salée (lien), toute jeune maison d’édition nantaise qu’il convient de soutenir.

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Que dire de ma lecture ?… Je dirai, tout d’abord, que l’ouvrage n’est pas un nouvel opus destiné à la prise de conscience. Les enjeux ne sont qu’effleurés pour se concentrer sur les voies vers l’action en faveur de modèles plus soutenables. Nous ne sommes pas ici dans le « pourquoi ? » mais plutôt dans le « comment ?« .

Dans son approche du traitement du « comment ? », l’auteur adopte une approche très globale et transversale en mixant sa connaissance de l’analyse des comportements des consommateurs,  son expérience des méthodes d’animation de réflexions stratégiques en entreprises, sa grande expérience design (…) ainsi qu’en faisant référence à une importante bibliographie des expériences réussies qui peuvent servir de points d’appuis. La richesse des axes proposés permet une réflexion multidimensionnelle bien adaptée au sujet. Ce livre, extrêmement riche en matière, se veut selon moi, anti « spécialiste »; aussi pour démontrer la limite des fonctionnements « en silos ».

J’ai pu retrouver des références à Pierre Rabhi et sa sobriété heureuse (lien), aux piliers de la TRI (lien) de J Rifkin mais aussi de sa vision de l’empathie (lien) – empathie qui est finalement pour moi la seule vraie raison qu’il nous reste pour être optimiste – … Bref, nous sommes dans le même mouvement.

Collaborer, casser des dogmes organisationnels, innover dans les modèles économiques (circulaire et de fonctionnalité…), vivre ensemble, revoir notre relation au temps, expérimenter, expérimenter, expérimenter… voilà quelques pistes parmi de nombreuses autres que vous devez vous attendre à trouver en ouvrant ce livre. Il faut lire ce livre. C’est pas tous les jours que l’on peut s’imprégner de messages  positifs et enthousiasmants sur ces sujets anxiogènes. L’auteur revendique de la « légèreté » et de la « beauté » pour réussir. D’un naturel moins optimiste probablement, j’en ressorts boosté pour « ne rien lâcher ». ça, c’est bon !

Au registre des petites divergences, je me permets de revenir sur la critique des approches RSE, ISO (…) que l’auteur considère comme des sortes d’alibis à l’inaction – Cf chapitre « L’arsenal DD, RSE et consommation responsable est insuffisant, voir contre-productif »-. Au risque de paraitre corporatiste, puisque je rappelle qu’une part de mon expertise touche au monde des normes, je tiens à donner ma vision des choses, qui s’appuie sur une douzaine d’année d’expérience. Et pour commencer, je reconnais les limites des démarches de certifications d’organisation type ISO 14001 : elles sont souvent trop partielles dans leur domaine d’application, non envisagées comme stratégiques par les dirigeants (recherche du diplôme), parfois excessives dans leur rapport à la procédure (lien post précédent sur le sujet) et n’incitent globalement pas au changement de business models en se contentant d’optimiser l’existant. Tout ceci est vrai et me frustre bien souvent ; mais sont-elles pour autant « contre productives » au regard des enjeux RSE ? Je ne le pense pas et m’en explique.

Changer les modèles de production (et de consommation) – objet du livre – est capital, mais être en mesure de garantir que les outils de production (qui tournent tous les jours, qu’on le veuille ou non) ne fonctionnent pas n’importe comment, nécessite la définition de bonnes pratiques métier pérennes qui ne souffrent pas de la variabilité des changements stratégiques des entreprises. Une démarche ISO 14001 permet au moins de garantir que les standards opérationnels et réglementaires sont pris en compte, surveillés, qu’ils s’améliorent dans le temps. Il n’est pas possible selon moi de concentrer tous les efforts sur le niveau stratégique de moyens termes en oubliant la complexité de la gestion des flux industriels au quotidien. Ce n’est que de la basse réalité opérationnelle mais je pense qu’une réflexion macro (indispensable) ne doit pas dévaloriser les actions micro du quotidien (indispensable aussi).

Ceci est un point de détail d’un livre bien plus ambitieux.

En conclusion, la sensibilité de l’auteur et son « radicalisme positif » m’ont contaminé. Je suis en fait admiratif de cette vision positive « on va y arriver ». Il reste à se soulever les manches pour réellement changer de modèles et ne pas se contenter de rafistolages ou d’actions marginales en termes d’impacts. Bravo Sandrine pour ce travail de grande qualité. Je range ce livre dans ma bibliothèque entre « La sobriété heureuse » de Pierre Rabhi et « La civilisation de l’empathie » de Jeremy Rifkin.

 

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Lu : La république BOBO (commentaires et auto-critique)

Posté par Jean-Luc DOTHEE le 1 mai 2014

Avant toute chose, je dois avouer que je suis addict des chroniques matinales de Thomas Legrand sur France Inter. J’ai l’impression qu’il exprime des pensées que suis incapable de formuler. Il est donc fort logique que j’ai été attiré par « La République Bobo« , écrit par le couple de journalistes Thomas Legrand et Laure Watrin. Je me suis donc détourné de mes lectures habituelles pour me détendre un peu et appréhender le monde surprenant des Bobos.

Je voulais aussi répondre à la question : « en suis-je ?« .Capture

Le livre

Le sujet est traité avec humour, auto-dérision, critique, et finalement avec une certaine objectivité considérant que les auteurs assument parfaitement leur statut Bobo.

Passé la surprise de la découverte d’un vocabulaire insoupçonné (vous savez ce que c’est vous un hipster? un no-logo? un gentrifieur? bobo mixeur?…);  on se laisse guider agréablement dans une balade au fil de nombreuses illustrations extraites du quotidien des deux auteurs.

La limite, c’est qu’on peut ressentir, quand on n’est pas de la capitale, une certaine distance au sujet tant les références parisiennes sont nombreuses… Une interprétation de ce qu’est un « bobo des champs » est donc à co-construire en parallèle de la lecture. Mais j’adore la co-construction.

Les « bobos » ici décrits, bien que impossibles à définir précisément, présentent des caractéristiques communes comme un haut niveau d’éducation (plus qu’un haut niveau de revenu semble-t-il), une curiosité à l’autre affirmée, un positionnement supra-national sur les problèmes de société en général, une recherche permanente d’authentique (quitte à l’inventer), un fort niveau de culture et une sensibilité réelle aux problématiques environnementales (…). Je retiens surtout que les bobos sont des personnes qui ont une difficulté permanente à vivre en phase avec leurs exigeantes valeurs (je me retrouve bien là dedans!). 

L’ouvrage ne cache pas que le Bobo énerve. A la campagne on dirait facilement qu’ils sont plus des « diseux » (dans le sens donneur de leçon) que des « faiseux« . Exemple caricatural : tout bobo a intégré les enjeux du réchauffement climatique mais se sent malgré tout dans l’obligation de prendre l’avion souvent pour aller à New York (j’ai appris que Brooklyn était la Mecque Bobo) ou dans d’autres lieux improbables pour vivre son ouverture aux autres cultures. La bonne conscience du bobo voyageur (il semble que le bobo soit souvent voyageur) se consolera par le choix de déplacements en vélo ou de la nourriture bio une fois arrivé sur place (et le fait que les proportions en matière d’impact ne soient pas comparables ne rentre pas en compte dans le bilan). Moi aussi, consultant énergie-climat, ce comportement m’énerve un peu…

Après, le Bobo est souvent une victime récurrente des discours des extrêmes politiques; et ça, ça me les rend plutôt sympathiques !

La question sans intérêt : suis-je un Bobo des champs ?

J’ai toujours pensé que je présentais de nombreuses caractéristiques du Bobo. M’émerveiller devant une tondeuse mécanique (lien), mes deux poules (lien), ma critique permanente de notre société de consommation (lien) et je ne parle pas de ma sensibilité environnementale objet de ce blog et de mes nombreuses incohérences personnelles… Tout ça, c’est drôlement « bobo compatible » me semble-t-il.

Je suis même convaincu que beaucoup de proches m’envisagent comme un « Bobo » pur jus et je ne suis pas sur du tout que cela me dérange tant que je peux concilier ça avec mes relations amicales (non bobo pour l’essentiel). Pour autant, il me semble que la réponse n’est pas binaire : chacun peut avoir ponctuellement des comportements « bobo compatibles » sans pour autant être en phase avec toutes les illustrations de l’ouvrage (le rapport au déplacement aérien, l’élitisme culturelle… ne me caractérisent pas du tout).

Donc oui, « j’en suis… un peu parfois ».

La question de fond : dans quelle mesure le bobo peut-il aider la Transition ?

Si on prend un peu de hauteur, ce qui me parait être un vrai enjeu sociétal, c’est le rôle que peuvent éventuellement jouer les « bobos » dans les transitions sociétales à venir (Gouvernance territoriale, organisation de l’entreprise, climat, énergie, social…). Les auteurs retiennent déjà un certain nombre d’effets positifs indirects au mode de vie des bobos : ils savent faire pression sur les collectivités pour l’amélioration de l’espace public et tous les habitants en profitent. Ils savent animer, mobiliser, organiser des évènements qui contribuent à la mixité sociale. Sans bobos, quid de la consommation collaborative ? de la consommation responsable ? des AMAP ? des affichages environnementaux sur les produits ? Ils sont souvent compétents, motivés et investis.

Si les bobos ont démontré qu’ils pouvaient être des éclaireurs sur de nombreux sujets, comment passer maintenant la vitesse supérieure et les aider à mieux proportionner leurs actions aux enjeux qui nous fond face ? Comment faire en sorte que 80% de leur énergie ne soit pas consacrée à des micro-sujets ? Comment raisonner leur soif de déplacement international ? Comment… ?

Leur niveau de culture et d’ouverture les pré-disposent à comprendre les incohérences de notre société et pourtant, paradoxalement, on peut aussi considérer qu’ils y sont parfaitement adaptés (ils y réussissent bien en fait). S’ils sont de potentiels relais de transition à ne pas ignorer; des changements de paradigme trop forts ne risquent-t-ils pas d’être impossibles du fait de leur contribution au système en place ?

PS / message à l’attention des auteurs : en terme d’éco-conception de l’ouvrage, autant de pages noires avec si peu de caractères blancs, c’est pas très raisonnable (même si très joli). Incohérence quand tu nous tiens…

Publié dans HUMEURS, LECTURES | Pas de Commentaire »

Lu : « Vers la sobriété heureuse » de Pierre Rabhi

Posté par Jean-Luc DOTHEE le 12 avril 2014

Voici un bel ouvrage. Un essai philosophique remettant en cause notre relation au temps, à la consommation, aux générations précédentes, aux générations à venir, à la religion, à l’argent, à la croissance… Ne cachons pas que la « sobriété heureuse » promotionne une forme de décroissance économique conventionnellement rejetée par tous les « sachants » (sur le sujet, je vous recommande le récent édito de Thomas Legrand sur le sujet : lien).

Pierre Rabhi sait nous renvoyer, en effet miroir, des faits trop évidents pour que nous puissions les assimiler, embarqués dans notre quotidien stressant.  Rafraichissant, perturbant, bien écrit, pétri de bon sens, déconnecté de la réalité économique, rassurant, inquiétant, nostalgique, avant-gardiste en un certain sens…

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 Plutôt que de débattre stérilement du sujet croissance ou décroissance, je veux partager ma petite histoire de lecteur de « Vers la sobriété heureuse ». Il y a toujours une histoire personnelle parallèle à une lecture. Parfois les évènements lus se télescopent avec notre réalité. C’est le cas ici.

Donc, il se trouve que pendant la lecture de ce livre, j’étais en déplacement professionnel au Maroc. Je me trouvais non loin de l’Algérie natale de Pierre Rabhi; Algérie où il entendait, enfant, le « chant de l’enclume » (son papa était forgeron et admiré par son fils).

Mon premier déplacement au Maghreb, couplé à la lecture de ce livre traitant notamment de notre relation au temps et au travail, m’a probablement rendu réceptif à des faits anodins qui m’ont fait réfléchir. Je partage.

Au Maroc, dans les restaurants, à l’hôtel (…), j’ai été marqué par le nombre important de personnes disposées à servir le client. Parfois plus de personnel de service que de clients ! Mon premier réflexe d’européen conditionné a été de me dire que cette « débauche » de moyens humains n’était pas efficace. On pouvait surement faire aussi bien avec moins de personnes. C’est du bon sens… Et puis j’ai trouvé mon cheminement intellectuel totalement idiot ! Donner un travail à un maximum de personnes est une finalité en soit plus qu’un moyen. Une personne qui a un travail, a une vie sociale, fait fonctionner l’économie, a plus de chance d’être « heureuse ».

Et en quoi avoir des périodes de non production dans son travail est-il reprochable ?

Depuis longtemps, je milite pour baisser les taxes sociales et augmenter les taxes environnementales. Je me suis toujours dis que cela permettrait de mieux agir sur nos pratiques environnementales et favoriser l’embauche ; mais serait-ce vraiment le cas ?  Nous nous sommes tellement habitué à considérer le travail comme une charge à optimiser que je ne suis plus sûr que nous pourrions changer. La finalité n’est pas de donner du travail mais de faire le travail avec le moins de personnes possibles. Quitte à automatiser à outrance (lien article des Échos), faire que de moins en moins de personnes aient un travail et que ces dernières y passent de plus en plus de temps.

Je terminerai avec une phrase du livre objet de ce post, citation d’une relation nord-africaine de Pierre Rabhi :

« les occidentaux inventent des outils pour gagner du temps et sont obligés de travailler jours et nuits »

 

Pour voir et écouter Pierre Rabhi : vidéo

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