Chronique n°18 : Une bonne grillée de mogettes pour sauver l’Humanité
Posté par Jean-Luc DOTHEE le 3 mars 2019
Et voici la chronique de février 2019. A lire ci-dessous et à entendre ICI dès qu’Euradio aura mis le podcast en ligne.
Aujourd’hui je tente un format tout neuf pour chroniquer sur les légumineuses : j’ai décidé d’emprunter des phrases à des chansons de Daniel Balavoine et de les saupoudrer dans ma bafouille.
Mais pourquoi donc cette fantaisie ?
D’abord pour occuper ceux qui ne sont pas intéressés par le contenu de ma chronique et qui pourront ainsi s’amuser à compter le nombre d’emprunts (il y en a 6).
Et Pourquoi Balavoine ? car c’est la période où je le fais découvrir à mes filles, histoire qu’elle ne pensent pas que les Kids United ont tout pondu. Et puis, comme Ester -des cahiers d’Ester de Riad Sattouf- considère Balavoine comme un super chanteur mort… ça me fait une belle occasion de partager un truc que j’aime avec celles que j’aime.
Dernière raison, je me suis promis de ne pas citer ce coup-ci Nina Attal dans ma chronique… Zut, loupé…
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Aller, il est temps de rentrer en scène… « Entrer sur scène comme on prend le dernier train »… Car avant de causer Fabacées (l’autre nom des légumineuses), je veux vous causer train. Train de nuit pour être plus précis.
Il se passe un truc actuellement en Europe sur le sujet. On parle partout de la renaissance des trains de nuit. L’illustre National Geographic titrait récemment The return of sleeper trains en citant de nouvelles liaisons en Grande-Bretagne ; mais ces dernières semaines d’autres nouvelles lignes ont été annoncées : Berlin-Kiev, Berlin-Vienne, Amsterdam-Berlin, Amsterdam-Innsbruck… Les trains de nuit font peaux neuves avec des services nouveaux, un confort accru… Une renaissance vous disais-je.
Cette tendance semble être vraie partout en Europe… sauf en France… où les lignes ferment toutes les unes après les autres. Reste le Paris-Port Bout qui a été prolongé in-extremis jusqu’en 2020.
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Notre président a affirmé lors d’un débat avec des maires, ne pas vouloir taxer le kérosène des avions sur les vols intérieurs car sinon ces vols ne seraient pas rentables… On rêve : la subvention à la pollution est totalement assumée ! et on parle de plus de 300 millions d’euros par an quand même. Nous sommes près de 90.000 à avoir signé une pétition pour le maintien des trains de nuit sur change.org pour ressusciter ce mode de déplacement écolo et drôlement sympa qui nous offre la possibilité de faire de la mobilité une partie intégrante du voyage et non une stricte contrainte logistique.
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Mais une question me taraude… est-il bien raisonnable de se gaver de légumineuses avant de composter son billet pour une nuit dans un compartiment de quelques mètres carrés avec des inconnus ?
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Car « même si un sourd n’entend pas ce qu’il veut », le savoir-vivre nous impose une certaine contention digestive. Par convention (ce qui n’est pas vrai pour la vie en société chez les vaches par exemple), il n’est pas bien venu d’être trop libéral sur le sujet des gaz de digestion.Je vais vous apprendre un truc. Le groupe de salopards qui nous privent d’un petit salé aux lentilles ou d’un cassoulet avant notre nuit ferroviaire est connu, fiché. Ces malfrats se donnent le nom du gang des alpha-galactosides. Avec un nom pareil, on s’attendrait presque à les trouver dans les vieux épisodes de Goldorak.
Ces Golgothes peuvent être vaincus ! En effet, on peut les exterminer avec des modalités de préparation adaptées comme un trempage préalable (l’eau de trempage à jeter obligatoirement bien-sûr!) ou même par l’utilisation d’épices (les indiens sont les premiers consommateurs de légumineuses au monde, ils ont eu le temps de bossé le truc).
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J’ai commencé, comme d’habitude, à parler du côté malodorant de la chose en envisageant la flatulence avant les indéniables intérêts de ces puiseurs d’azote que sont les légumineuses.
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Car il faut bien comprendre l’énorme intérêt agronomique de ces plantes, qui par association symbiotique avec des bactéries dans leurs nodosités, sont en mesure de fixer l’azote atmosphérique. Une fertilisation naturelle du sol qui profite aux autres plantes et cultures. « Dieu que c’est beau ». Elles sont géniales ces légumineuses ! Elles mériteraient de gagner le premier prix de l’innovation utile aux MNA, Millenium Nature Awards.
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Innovation utile je dis bien, car quand je vois qu’une boite russe est capable de proposer comme innovation du siècle de mettre des panneaux publicitaires sur orbites pour toujours pouvoir être inciter à consommer des trucs, je pense que dans ce cas il faut compléter le mot innovation avec l’adjectif « toxique ». Je ferme la parenthèse.
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Je vous recommande une nouvelle fois la lecture de JAMAIS SEUL de Marc-André Sellosse pour comprendre le petit miracle symbiotique des légumineuses. Elles ont un incroyable talent qui peut permettre d’envisager une baisse de consommation d’apport azoté dans le sol, en plus d’être riche en Fer, en fibres, en vitamines et en protéines qui peuvent se substituer partiellement à l’apport protéique d’origine animale. L’Agence de Santé Publique France, dans ses dernières recommandations datant du 22 janvier dernier, conseille de manger au moins deux fois par semaine des légumes secs (lentilles, pois chiches, etc.), trop peu présents dans l’assiette des Français.
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D’un point de vu climatique les fabacées sont aussi des winners : d’après l’ADEME le steak de bœuf émet 28,6kg de CO2 par kg de viande. Tandis qu’un kilogramme de lentilles vertes émet seulement 0,88 kg de CO2, soit 30 fois moins d’émissions dans l’atmosphère. Même une ou deux substitutions par semaine sont les bienvenues.
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Les légumineuses nous aiment dirait-on. Elles font tout pour nous améliorer la vie. Pourtant les statistiques de consommation des légumineuses ne confirment pas qu’ « Aimer est plus fort que d’être aimé ».
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La baisse de consommation depuis les années 60 est constante. Pendant longtemps la légumineuse était la viande du pauvre. Avec l’arrivée sur le marché de la viande pas chère, la consommation française de légumineuse a été divisée par 10 entre le 19ème siècle et aujourd’hui.
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Parler légumineuse en 2019, c’est parler d’une production mondiale de 80 millions de tonnes, avec une demande hétérogène sur le globe. L’Inde produit 22 millions de tonnes à elle seule. Logique me dirait vous pour un pays habité pour l’essentiel de végétariens.
Mais ce qui est peu compris, c’est qu’aujourd’hui, la majorité de la production végétale agricole est consacrée à l’alimentation animale avec un système mondial, accords internationaux à l’appui, très conservateur et organisé comme suit (grosse simplification) : les USA produisent le Soja qui nourrissent nos animaux, l’Europe produit les céréales.
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Notre situation de dépendance au soja américain se résumerai par « Je ne peux pas et je ne sais pas et je reste planté là ».. Les US sont notre fournisseur officiel d’aliment pour les vaches à viandes européennes. Pourtant ; les animaux aussi pourrait s’alimenter en légumineuses locales.
Et les choses ne s’améliore pas puisque Donald a réussi à faire valider à l’UE l’importation de Soja à destination de Biocarburant, moins cher que les biocarburants made in France à base colza. Et là je ne vais pas me faire des copains, mais il ne faudrait pas que notre légitime mobilisation citoyenne contre la chimie de nos culture occulte les pratiques au-delà de nos frontières. L’import de la pollution est à mon sens tout aussi irresponsable que la maitrise de cette dernière sur notre sol.
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Un peu d’histoire avant que je vous lâche le haricot.
L’humain s’est intéressé à la légumineuse vivrière dès 9 000 ans avant notre ère en Iran (c’est donc chez les perses que les légumineuses ont en premier percées…).
Plus proche géographiquement et temporellement de nous des navigateurs espagnols rapportèrent quelques graines de haricot originaire du Nouveau Monde, du Mexique plus précisément, pour les offrirent au pape Clément VII. Et ici aussi les qualités de culture et de conservation du produit lui ont permis de conquérir la France pour atteindre une sorte d’aboutissement ultime en Vendée avec … la grillée de mogettes !
Je plains celui qui ne connait pas le plaisir de la dégustation d’une tartine, préalablement grillée au coin du feu et tartinée de beurre salé, que l’on aura pris soin de couvrir généreusement d’une couverture de mogettes chaudes.
Certains choisissent de prolonger ces soirées conviviales de moments non moins conviviaux que je ne décrirai pas dans le détail ici, la pratique du pet-flamme pouvant présenter de fort danger de dégradation de votre petit intérieur.
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Pour conclure, je vous propose une punchline pour faire la promotion des légumineuses :
Peut-être que « Je ne suis pas un héro », mais en consommant des légumineuses, je contribue à diminuer l’impact carbone de mon assiette tout en améliorant ma santé.
Ce qui me parait mieux que « Je mange des légumineuses et je pète le feu ».
Sources ayant inspirées cette chronique :
https://www.franceinter.fr/emissions/grand-bien-vous-fasse/grand-bien-vous-fasse-26-novembre-2018
https://www.planetoscope.com/fruits-legumes/2004-la-production-mondiale-de-legumineuses.html
http://www.b2ipme.fr/nimda/uploads/cours_AS_Voisin_M2_2012.pdf
https://solagro.org/images/imagesCK/files/publications/f12_diagnosticlegumineusesalim.pdf
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