Lu : Le Bug humain de Sébastien Bohler
Posté par Jean-Luc DOTHEE le 28 avril 2020
Voici une lecture qui m’a enthousiasmée / déprimée et dont la lecture est tout aussi indispensable que Economix. Bien-sur ici, il est question de vulgariser et d’interpréter ce que nous apporte la neuroscience quand Economix nous aide à décrypter l’Economie, mais il m’a semblé retrouver ici les mêmes ingrédients dans les deux ouvrages, abordant le sérieux (la science, l’évolution, l’avenir) avec humour et détachement. J’ai dévoré ce livre.
Et si notre cerveau, qui nous a permis de nous hisser si haut dans la domination de la vie sur Terre, était « aussi » la cause de l’impasse de développement dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui ? Notre cerveau nous empêche-t-il de penser le temps long ? d’envisager un système post-COVID climato-compatible ? et du coup, sommes nous équipés pour aller beaucoup plus loin ? C’est un peu le sujet de ce livre.
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Sans tenter de résumer maladroitement le contenu de l’ouvrage, on apprend notamment qu’il existe dans nos têtes, une toute petite partie de notre cerveau qui abrite le striatum, petite chose molle qui libère la drogue la plus recherchée de nos univers sensoriels : la dopamine. Cette dernière nous donne des shoots de plaisir que tout un chacun cherche à activer.
On apprend que 5 motivations, et pas une de plus, activent la dite zone : Manger – Copuler – Explorer – Conquérir – Dominer. Ces 5 motivations nous influencent tout au long de nos vies, de nos choix. Dit comme ça, ça parait négatif, mais envisagé sur le temps long, ça nous a permis de nous élever et de vaincre les limites du moment. On comprend même bien pourquoi l’Évolution s’est appuyée sur ce système de récompense : dans un monde où tout était rare, valoriser celui qui mange le plus, car il a développé un talent en matière de chasse par exemple, et lui permettre de transmettre ce talent par un accès à la reproduction « pass premium », ça se tient !
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Le problème que met bien en évidence ce bouquin, c’est que dans l’Humanité de 2020, où l’accès aux 5 motivations est open-bar et instantané (porno sur Internet, nourriture en excès aboutissant à l’obésité, infobésité des réseaux sociaux, surconsommation comme marqueur de statut social, félicitations artificielles des jeux vidéo qui nous donnent l’illusion d’une domination…), nous n’arrivons pas à gérer…
Nous savons que nous avons des murs devant nous (climatique en premier lieu) mais nous n’arrivons pas à sortir de nos dépendances et habitudes à cause de ce fichus striatum. Alors on achète des SUV, on regarde des séries à la chaine sur Netflix, on se conforte avec ses 300 « amis » sur les réseaux sociaux… Nous sommes des gosses à qui personne n’ose dire « arrête! ». Alors on continue.
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Il y a aussi des pistes dans ce livre pour « faire avec » ce striatum inadapté (on ne peut pas l’enlever de toute façon), notamment en faisant des pratiques sociales vertueuses des marqueurs de reconnaissance sociale, en apprenant la sobriété et la pleine conscience (prendre le temps de déguster, apprendre à être heureux avec moins…), mais aussi en partageant (car partager libère aussi de la dopamine!), mais quel défi !
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Ce livre est captivant parce qu’il parle de nous collectivement et de nous individuellement. J’ai donc reconnu le travail de mon striatum sans avoir encore la conviction de pouvoir l’éduquer (!) … mais comprendre et savoir sont aussi des armes puissantes pour faire évoluer nos comportements et surtout ne pas en retirer un sentiment de fatalisme.
J’espère.
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