Chronique Ecolo-Buissonnière n°24 : La première UCHRONIQUE d’Euradio !
Posté par Jean-Luc DOTHEE le 28 octobre 2019
Et voici une nouvelle chronique en mots ci-dessous et en son bientôt ICI.
Connaissez-vous le principe, assez jubilatoire de l’Uchronie ?
Je sors de la lecture de Civilizations de Laurent Binet qui en est une… d’uchronie, c’est-à-dire une fiction réalisée avec des personnages et des moments historiques réels. L’idée étant de faire bifurquer le cours de l’Histoire en imaginant ce qui aurait pu arriver si… Dans Civilizations, Christophe Colomb ne revient pas de son voyage en Amérique et les Incas envahissent l’Europe après lui avoir piqué la technologie maritime du moment.
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L’uchronie c’est donc une façon de dire, qu’un autre monde aurait été (et donc EST) possible. Ce n’est qu’une question de choix, de chemins, de hasards, de petits riens qui changent finalement tout.
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Je vais m’essayer à la première Uchronique de l’histoire d’Euradio.
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Il me faut partir d’un fait réel et opposable pour ensuite bifurquer.
Mon fait réel sera un discours de Jimmy Carter de 1979. LIEN
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C’est parti.
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Nous sommes le 15 juillet 1979.
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Jimmy Carter, président des US depuis 1977, est en train de se faire maquiller dans une petite pièce improvisée derrière son bureau ou doit avoir lieu l’enregistrement TV.
Le moment est grave et le sourire n’est pas de mise. Nous sommes à quelques mois des élections qui vont l’opposer, semble-t-il, à un acteur sur le retour, un ultraconservateur qui s’appelle Ronald Reagan.
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Rien n’est encore joué bien-sûr, mais le fait que Jimmy Carter se soit retrouvé confronté à deux chocs pétroliers durant son mandat ne facilite pas la perspective d’une réélection facile. Sa cote de popularité atteint difficilement 30%, du jamais vu.
Dans quelques minutes le président Carter va prononcer un discours retransmis à la Télévision.
Contre l’avis de ses conseillers, il a décidé de frapper fort. Il va dire au peuple américain qu’il faut envisager d’urgence une transition dans leur mode de vie pour permettre de garantir la prospérité sur le temps long.
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Il se place devant la caméra. L’ampoule rouge s’allume.
Nous ne reprendrons qu’un extrait lu par Élisabeth :
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[...] L’identité humaine n’est plus définie par ce que l’on fait, mais par ce que l’on possède. Cependant nous avons découvert que posséder des choses et consommer ne satisfait pas notre désir de sens. Nous avons appris que l’accumulation de biens matériels ne peut combler le vide d’existences sans confiance ni but.
Les symptômes de cette crise de l’esprit américain sont palpables. Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, le peuple américain entrevoit que les cinq prochaines années seront pires que les cinq années qui viennent de s’écouler. Les deux tiers de notre peuple ne votent même pas. La productivité des travailleurs américains est effectivement en baisse, et la volonté des Américains d’épargner pour préparer l’avenir a chuté sous celle de tous les autres citoyens du monde occidental.
Comme vous le savez, nous sommes face à un manque de respect croissant envers le gouvernement, les églises, les écoles, les médias et d’autres institutions. Ce n’est pas un message de bonheur ou de réconfort, mais c’est la vérité et c’est un avertissement. »
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Voilà, l’enregistrement est terminé.
Plus de retour en arrière possible. Dans le pire des cas il sera au chômage dans quelques mois… Il a décidé de ne pas changer de cap.
Pourquoi une telle motivation ?
Personne n’est au courant. Il a échangé il y a quelques jours avec un jeune scientifique au hasard d’une de ces soirées sans fin et c’est comme si ses yeux s’étaient ouverts. Comme s’il disposait de toutes les données mais qu’il manquait la lumière pour les voir.
Il a oublié le nom de cet homme mais maintenant, juste après son discours, il pense à lui.
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La campagne électorale de 1980 a été violente. On sait aujourd’hui, en 2019, que Jimmy Carter a bénéficié d’un soutien inattendu de groupes issus de la société civile qui ont relayé inlassablement ses arguments sur les limites du système.
Certains analystes politiques avancent aussi que la surmédiatisation quotidienne d’une marionnette satirique le représentant sous un aspect sympatique d’utopiste écolo avec un bon fond a pu jouer un rôle important. « go bike » disait la marionnette à tous les bouts de phrases, alors que son concurrent était présenté comme un idiot manipulé par des puissances obscures.
Ceci plus les bourdes répétées d’un Ronald Reagan décidément bien peu pertinent (on est quand même passé à côté du pire) ont permis un inespéré 50,75 % le soir des résultats. Contre toute attente Jimmy Carter est réélu et une courte majorité au Congrès, lui donne quelques années pour tenter de mettre en application son plan.
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Les 3 premières années, le nouveau président a eu une pression monstrueuse sur les épaules de la part des lobbys installés mais aussi de la banque Centrale pour surtout ne rien changer ! Mais il était motivé comme jamais et comme il l’a écrit dans ses mémoires pour la première fois il avait vraiment l’impression de défendre l’intérêt général.
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Ce fut compliqué. Chacun se souvient des grandes grèves de 1980 où ouvriers et patrons des majors de l’automobile, main dans la main, bloquèrent le pays plusieurs semaines durant pour ne pas voir appliquer la loi de début de mandat sur l’interdiction des véhicules motorisés individuels dans les villes et la mise en place de malus fiscaux proportionnels aux poids des véhicules. Près de la moitié des États n’ont pas suivi. Au début…
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Il faudrait un livre de 1300 pages pour vous raconter comment ils s’y sont pris. L’importance de la présence d’Yvon Chouinard au poste de secrétaire d’état de la Prospérité et de l’Ecologie a d’ailleurs été largement sous-estimée.
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Pour ne parler que d’un aspect de ce plan de transition, en cette veille d’élections municipales en France, regardons plus en détail la politique de la ville. Plusieurs dizaines de milliards de dollars de fonds fédéraux, ont été consacrés à la réorganisation des villes.
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Nous sommes habitués aujourd’hui à ces images de villes géantes équipées de téléphériques urbains : je pense à Chicago bien sur mais cette image d’Epinal cache bien d’autres réussites dans d’autres villes. Les lignes de métro aériennes à San Francisco et les réseaux ferroviaires hyper denses permettant de rejoindre les dizaines de villages de banlieue organisés en grappes autour du centre des grandes villes.
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Autre action emblématique, contribuant à irriguer les flux urbains, véritable système vasculaire des villes : le fameux Bicycle Way Of Life. Peu de gens se rappellent que les premières autoroutes vélo (les Bicycles High Way) sont nées à New York, avant même l’apparition des assistances électriques qui ne se démocratiseront que dans les années 90.
A l’époque, de nombreux experts considéraient les distances trop grandes pour répondre aux besoins. Et pourtant l’impossible a été rendu possible par la qualité des infrastructures proposées (pistes couvertes, éclairées, avec des aires fast food tous les 500m), couplée à une campagne de communication xxl (c’est là qu’est apparu le slogan « Bike to Health » porté par le Hit rock homonyme des ZZ Top).
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N’oublions pas que les entreprises ont aussi su se remettre en question. Sans l’offre de produits innovants et très marketés par les anciens fabricants de motos et de voitures, il est probable que le vélo ne serait pas devenu le produit emblématique de « l’Amérique qui gagne » et accessoirement un des premiers revenus d’exportation. Les pratiques de cette puissance bicyclo-industrielle font d’ailleurs souvent l’objet de critiques au niveau international et au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce et de l’Environnement.
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Une chose est sûre, l’occident serait fort mal armé aujourd’hui pour faire face aux enjeux du réchauffement climatiques sans l’action volontariste de Jimmy Carter.
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Jimmy Carter est toujours vivant. Il est le plus vieux président encore en vie de l’histoire des États-Unis, et on peut le voir sur Twitter dans une courte vidéo aider à la construction d’habitations sociales à Nashville (un jour après être tombé chez lui et avoir reçu des points de suture au-dessus de l’œil). Il a 95 ans.
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