Chronique Ecolo-Buissonnière n°23 : A change is gonna come (?)
Posté par Jean-Luc DOTHEE le 2 octobre 2019
Chronique n°23 ci-dessous. Le lien bientôt ICI.
En 1964, Sam Cooke a composé et chanté un titre qui restera dans l’histoire comme un hymne de la lutte pour les droits civiques des afro-américains. Martin Luther King et Barack Obama utilisèrent cette chanson comme la bande son d’une longue transition. Imparfaite transition mais transition quand même.
En cette rentrée, en ayant moi aussi pour grille de lecture les municipales 2020, je vais me tenter à une forme modérée d’optimisme, mot qui m’insupporte pourtant, étant entendu qu’optimisme et pessimisme sont les deux faces de l’expression de la passivité.
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Même si l’actualité de l’été 2019 pousserait la reine des neiges à se pendre devant un parterre d’enfants en larmes, j’ai essayé d’isoler quelques signaux qui me permettent de penser que, peut-être, A change is Gonna come.
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Mon premier ACHIGOCO (j’ai jugé trop risqué de répéter 10 fois A change is gonna come dans ma chronique. J’ai donc contracté la chose en « ACHIGOCO »). Donc, mon premier ACHIGOCO sera consensuel. C’est le point de vue d’un touriste qui a fait 135km en vélo en famille cet été autour d’Amsterdam (lien) : Moi.
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Si dans le port d’Amsterdam, on n’a pas vu beaucoup de marins qui chantent, dans la ville d’Amsterdam on a vu des milliers de vélos qui roulent ! Il faut dire que les Pays-Bas possèdent plus de vélos en circulation que d’habitants.
Les infrastructures cyclistes hollandaises sont surprenantes : des autoroutes à vélos entretenues partout et tenues à l’écart des voitures, une signalisation dédiée, des ponts / tunnels spécifiques, une priorité permanente sur les voitures… une forme d’idéal, une sorte de licorne urbaine pour les vélotaffeurs.
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Comment ce prodige fut-il possible ?
Dans les années 70, une série d’accidents impliquant des voitures ont couté la vie à des enfants. La population a exigé aux législateurs de protéger les survivants et comme il n’y a pas de constructeurs automobiles aux Pays-Bas… les actes ont suivi. Le code de la route a été modifié (..).
L’histoire se répète peut-être. En Allemagne, le salon de l’auto de Francfort est perturbé par des manifestants (autour de 20000) réclamant une « révolution des transports », enrayant la mortelle croissance de la vente des SUV. Mortelle pour le climat et pour 4 piétons dont un enfant percutés quelques jours plus tôt à Berlin.
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Alors, si je le pouvais, je demanderais bien aux candidats aux municipales 2020 quel est la part du budget voirie qui sera consacré à l’amélioration de nos infrastructures vélos, car j’ai l’impression que les gens sont prêts, si et seulement si leur sécurité est raisonnablement assurée. Et les aménagements, c’est des sous. Pour donner un ordre de grandeur, le gouvernement wallon (territoire 40 fois plus petit que la France) vient d’acter 75 millions €/an pour développer ses infrastructures vélo. Notre pauvre plan vélo hexagonale culmine à 50 millions €/an. Nous avons 30ans de retard à rattraper, les arbitrages doivent être les bons sachant que nous ne pouvons peut-être pas totalement compter sur les marques automobiles pour arrêter de nous vendre du rêve routier : elles investissent 3 milliards d’€ tous les ans pour nous vendre des voitures toujours plus lourdes. Cet été je suis tombé de ma selle de vélo en découvrant les pages web d’un des gros constructeurs qui a passé l’étape du greenwashing et a choisi d’assumer : on peut y lire : « MILLE POUVOIRS. ZÉRO DEVOIR » ou accrochez-vous mesdames « des attributs de mâles dominants » « conçu pour diriger »… lien Classe !
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Mon second ACHIGOCO sera moins consensuel. C’est le témoignage d’un habitant d’une commune rurale, qui se retrouve régulièrement à observer par la fenêtre, les pratiques chimiques de son voisin agriculteur : MOI.
Le champ est à une vingtaine de mètres de la maison, nous sommes un peu protégés mais ça ne m’empêche pas de me voir sonner le tocsin à la vue du pulvérisateur malfaisant, comme si l’envahisseur Viking s’approchait de mon château. Et voilà que je me mets à crier « Clara ferme les fenêtres, vite, Lucie rentre ! ». Et que je me dis, « allez, c’est reparti pour un mal de tête ce soir… ».
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Près de 80 communes sur les 30 et quelques milles que compte la France (lien) ; ont affirmé – par un acte de désobéissance civile courageux – leur opposition aux traitements chimiques à proximité des habitations. Et s’ils le font c’est que leur population le demande. La Société change sur la tolérance vis-à-vis de la chimie en agriculture. Et pourtant, les communes rurales ont très souvent été avant tout agricole, et donc très tolérantes sur ce sujet. Saviez-vous qu’en 1983, 45% des maires étaient des agriculteurs ? Ils n’étaient plus que 25% en 2008. LIEN. Et même s’ils représentent encore aujourd’hui 10% des élus municipaux (ce qui plus que leur part dans la population en général qui est de 2%) il n’est pas surprenant que ces évolutions, génèrent souvent pour ces derniers un sentiment d’abandon et d’isolement pour des agriculteurs emprisonnés dans un système que ne dépend pas que d’eux, à une période où beaucoup voient leur activité mise en péril par une sécheresse sans précédent et où leur survie est questionnée. Survie n’est pas que un effet de style. Selon la MSA, 1 tiers des agriculteurs vit avec moins de 350€ par mois en travaillant H24 (lien).
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Alors oui, les signaux écologiques longtemps faibles et devenus aujourd’hui forts n’ont pas été écoutés par la profession et son syndicat majoritaire, trop souvent arc-bouté sur une posture conservatrice. La transition est en cours et elle aura lieu… mais il y a un aussi un enjeu à éviter de créer animosité et frustration sur nos territoires. Je vous recommande de lire cet article d’une agricultrice, Anne Cécile Suzanne (lien), qui explique bien comment elle se sent prise entre de multiples injonctions contradictoires.
Il y avait 6 millions d’agriculteurs en France en 1950, ils n’étaient plus que 448 000 en 2017 et une chose est sûre nous avons besoin d’eux pour conduire la transition.
Actuellement, une consultation publique est ouverte sur le sujet (lien) et ma contribution fut la suivante : finançons, rémunérons les agriculteurs pour la plantation et l’entretien des haies bocagères comme le permettent maintenant des dispositifs de plus en plus nombreux comme le label bas carbone. Ce type de dispositif me parait win-win-win : protection sanitaire, écologique et économique. Ici aussi les futurs conseils municipaux ont un rôle à jouer pour accompagner positivement les transitions agricoles.
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Mon ACHIGOCO numéro trois est le point de vue d’un randonneur du dimanche sur la pollution plastique. Ce randonneur est encore Moi. [très égo centrée cette chronique]
A chaque ballade, j’ai pris l’habitude de prendre un sac poubelle pour ramasser les déchets qui croisent mon chemin, histoire de faire un truc satisfaisant pour mon cerveau perpétuellement contrarié.
Récemment, en ramassant, sur un bord de route une petite bouteille plastique de dessert lacté, je me suis imaginé cette scène :
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C’est jeudi, grosse semaine pour Claire qui vient de récupérer Hugo à l’école. Il faut encore passer faire les courses à Hyper U, préparer à manger. Elle est fatiguée Claire. Hugo prend son 4 heures à l’arrière de la voiture. Il est plutôt calme pour une fois. Elle se tourne vers lui tendrement avec les yeux de l’amour. Heureusement qu’il est là pour elle. Elle se reconcentre sur la route et lui dit :
« mon chéri tu as fini ton Danonino ? Balance-le donc par la fenêtre stp. Je t’aime tu sais. »
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C’est possible que ça se passe comme ça ?
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Depuis les années 1950, 8,3 milliards de tonnes de plastique (lien) ont été fabriquées dans le monde. Et seulement 9 % ont été recyclés. Et bien loin de diminuer, la production croît en moyenne de 4 % par an.
Mais il se passe un truc ! La loi économie circulaire en cours monte en ambition ; la publicité faite sur le scandale des expéditions de nos déchets plastiques en Chine et Malaisie qui nous sont retournés est plus bruyante… Je viens même d’acheter mes premiers shampoing et dentifrice solides.
Mais, oh paradoxe et schizophrénie pour nos futurs élus : nos territoires ont investi lourdement pour collecter, séparer, parfois valoriser les plastiques…. Ici encore, comment les nouveaux élus vont-ils réagir devant des outils industriels non amortis qui risquent (peut-être) de voir leur process remis en question ?
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Voilà ce que je peux faire pour vous aujourd’hui. J’aurais pu tout aussi bien développer un ACHIGOCO sur la monter en puissance de l’arbre-allié, sur la valeur montante de l’Eau, sur la place de citoyen acteur de transition, sur la place de l’écologie dans les discussions politiques, sur la prospective sur les territoires de demain, sur la conscience des enjeux cachés du numérique … mais je vais en garder un peu pour plus tard…
Les municipales à venir vont être décisives sur ces sujets.
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Reste à choisir les leviers qui vont réellement impacter les enjeux auxquels nous faisons face et non ceux qui brillent parfois mais ne sont pas réellement efficaces. Souhaitons aux élus à venir d’avoir la sagesse de s’appliquer cette belle phrase de Marc Aurèle :
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« Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre. »
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