Lu : OR NOIR, LA GRANDE HISTOIRE DU PETROLE
Posté par Jean-Luc DOTHEE le 9 novembre 2015
S’engager dans la lecture de cet ouvrage monumental, c’est parcourir chronologiquement notre histoire contemporaine en suivant un fil directeur unique : « les HOMMES et le PÉTROLE« . Le pétrole, à la fois comme une « bénédiction » (car il a ouvert un champ des possibles gigantesque ayant permis une considérable amélioration des conditions de vie, pour certains en tout cas) et comme un « malheur » (car la dépendance acquise si vite a rendu nos sociétés vulnérables à sa raréfaction et surtout car il a été et reste la cause plus ou moins assumée des pires exactions que l’Homme est capable de réaliser sur son semblable).
On se rend compte au fur et à mesure que l’on avance dans les pages, et donc dans les années, à quel point nos conditions de vie, la géopolitique, l’économie de marché et finalement tout ce qui caractérise notre existence d’humains de 2015, sont étroitement liés à ce liquide noire malodorant et tellement pratiques dans ces nombreux usages.
Tout commença vraiment en 1859, en Pennsylvanie, lorsqu’un certain « colonel Drake », donna le coup d’envoi de la première ruée sur l’or noir. En 1859, la ferme vendéenne dans laquelle je vis, était en train d’être construite, selon le cadastre. A ce moment, pour monter les murs pas d’engins de chantier utilisant du carburants, pas de transports de matériaux par la route, pas de sacs plastiques pour transporter son repas du midi, pas de chewing-gum pour passer le temps… 1859, ça parait loin, c’est hier au regard de notre courte présence humaine sur Terre. En si peu de temps, tout a changé.
Il est impossible de résumer le contenu de ce livre, tant il est riche de détails et éclairant sur les évènements qui ont abouti au Monde que l’on connait aujourd’hui. Le sort de la seconde guerre mondiale s’est joué en partie sur l’accès à la qualité/quantité de pétrole (l’indice d’octane des carburants alliés permettaient notamment aux aviateurs de disposer d’appareils bien plus performants), toute la richesse des « dominants » a été construite dans l’après-guerre sur l’énergie bon marché qu’est le pétrole (les coûts d’extractions étaient marginaux).Et que dire du plan Marshall qui a permis de reconstruire l’Europe ? 1/5 des $ de ce plan étaient consacrés à l’achat de pétrole aux grosses compagnies américaines, pétrole venant à 100% du Moyen Orient. Qui sait que nous devons ce que nous sommes aujourd’hui à l’exploitation de ressources naturelles des pays qui nous causent tant de soucis aujourd’hui ? États-Unis et Europe n’auraient pas pu construire une quelconque prospérité économique sans ce produit miracle, dont une partie significative sera extraite de pays qui ne profiteront pas de cette aubaine (hormis quelques privilégiés).
Et que dire des multinationales du pétrole, qui se sont construites en si peu de temps et qui vont devenir ultra-puissantes grâce notamment à leur organisation en cartel (avant les années 70) et aux liens constants avec le pouvoir (impressionnants comme on retrouve les mêmes noms en récurrence au fil du déroulé de la Grande histoire: Rockfeller, Bush…). Les « 7 sœurs » (noms des grandes compagnies anglo-saxones qui se sont partagées le gâteau) vont ainsi contribuer largement à définir le cadre géopolitique de l’après-guerre : leur influence peut contribuer à définir des frontières dans les pays sortants de la colonisation (la relation US à la famille Saoud est éloquente et éclairante dans ces conséquences contemporaines), mais aussi carrément à ouvrir des conflits armés (Au delà de l’Irak, j’ai découvert la guerre de Chaco, 1932/35, qui produira 100 000 morts en Bolivie – Paraguay).
On comprend aussi que l’habitude prise dans la courte période d’abondance qui a courue dans les décennies passées, empêche cérébralement tout acceptation de la finitude de la ressource. Les années d’abondances ont créées du rêve, de la perspective de nouveauté matérielle permanente. Le bonheur est l’avoir. Le progrès c’est le toujours plus. On est encore en plein dedans.
Il me reste une centaine de pages à dévorer, mais je n’ai pas réussi à me retenir pour écrire ce post. En cette veille de COP21, il faut lire ce livre pour comprendre la mécanique dans laquelle nous nous trouvons. J’ai trouvé dans ce livre des explications à des situations géopolitiques inextricables, aux logiques qui engendrent le climatoscepticisme et j’ai conforté ma conviction que nous avons besoin d’une société civile très informée pour ne pas subir des décisions politiques, parfois « sous influences ». Notre force est d’avoir accès au savoir. Il faut le partager.
Citation de G.W. BUSH, 2000 devant un parterre d’entreprises pétrolières :
« certains vous appellent l’Elite, je vous appelle ma base »
Citation de l’Amiral américain Hyman Rickover, 14 mai 1957 :
« depuis plus de cents ans, nous avons nourri un nombre sans cesse croissant de machines avec du charbon; depuis cinquante ans, nous avons pompés du gaz et du pétrole jusque dans nos usines, voitures, camions, tracteurs, navires, avions et maisons sans une pensée pour l’avenir. [...]. Les carburants fossiles sont comme un capital à la banque. Un parent prudent et responsable usera de ce capital avec parcimonie, afin de transmettre à ses enfants autant d’héritage que possible. Un parent irresponsable et égoïste dilapidera ce capital par une existence tapageuse, sans se soucier un brin de comment sa descendance s’en tirera. Je suggère que ceci est le bon moment pour réfléchir sobrement à nos responsabilités vis-à-vis de nos descendants, ceux qui sonneront la fin de l’âge du carburant fossile »
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