Mes commentaires suite à la lecture du projet de norme ISO 14001
Posté par Jean-Luc DOTHEE le 29 août 2014
La norme ISO 14001 est en cours de révision (il s’est passé deux ou trois trucs sur le sujet « environnement » depuis dix ans, il est vrai !) et comme le processus prévoit la sollicitation par enquête des parties prenantes par le biais d’une enquête web, j’ai passé une petite heure à consulter ce projet (en ligne depuis le début de la semaine sur le lien suivant : lien).
En plus d’avoir lu le projet et avoir porté mes commentaires en ligne, je reprends ici quelques points, histoire de causer.
Je passe sous silence toutes les histoires inintéressantes de changement de chapitres et de nuances dans le vocabulaire qui n’intéressent qu’un cercle très fermé d’experts. Je dirai seulement aux initiés que la future norme ISO 14001 a été réécrite dans un format de chapitres proche de la norme ISO 9001 (en cours de révision elle aussi) dans une volonté évidente d’harmonisation des référentiels.
Mes commentaire se basant sur un projet « mouvant » par définition, ces constats sont à prendre avec précaution.
Globalement : ISO 14001 monte en gamme.
Son ambition est plus forte et du coup ça se ressent dès le contexte :
Atteindre un équilibre entre les préoccupations environnementales, sociales, et économiques au sein d’un système global s’avère essentiel pour un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Ce concept de développement durable repose sur les 3 piliers, environnemental, social et économique
Je suis surpris qu’aucune référence ne soit réellement faite avec la norme ISO 26000. Même si cette dernière n’est pas une norme d’exigences comme l’est ISO 14001, elle donne un cadre incontournable sur le sujet. Je me suis même permis de préciser en ligne que la notion de « Développement Durable » appliquée aux organisations, ça s’appelle la « responsabilité sociétale« . Si si, c’est ISO qui l’a écrit en novembre 2010 dans l’ISO 26000 !
Identification des enjeux : changement de braquet !
Le spectre d’analyse des enjeux environnementaux ne se limite plus au site mais :
Ces enjeux incluent les conditions environnementales susceptibles d’affecter ou d’être affectées par l’organisme
Quelle activité est indépendante des évolutions des prix (et surtout de la disponibilité) des matières premières, de l’énergie, du réchauffement climatique ?
La phase d’analyse des aspects environnementaux fait dorénavant référence à une méthode se plaçant dans une « perspective de cycle de vie« . Dans sa partie « Planification et maitrise opérationnelle » on trouve même des exigences très auditables sur le sujet :
établir des moyens de maîtrise pour s’assurer que les exigences environnementales sont prises en considération dans le processus de conception pour le développement, la livraison, l’utilisation et le traitement en fin de vie de ses produits et services, de façon appropriée ;
Un gap semble franchi, un Système de Management de l’Environnement ne pourra plus s’affranchir d’une réflexion sur l’éco-conception de ses produits / services. La chaine de valeur amont sera, elle aussi beaucoup plus sollicitée. Préparer vos acheteurs, ils vont être audités !
Méthodologiquement enfin, une nouveauté avec l’apparition des notions de risques liés aux menaces et opportunités. Un chapitre est dédié à cette prise en compte. Pas de principe de précaution mais l’équivalent du principe de vigilance définit dans la norme ISO 26000. On voit ici que la norme s’inspire de la définition new age du risque issue de la norme ISO 31000. Donc, pour résumer, avant les enjeux étaient grossièrement à l’issue d’une analyse environnementale et d’une analyse de conformité aux exigences et demain en plus de ces deux éléments, une analyse documentée des risques issues des menaces et opportunités complètera le tableau.
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Les parties intéressées à la une !
En parallèle, la place des « parties intéressées » devient plus stratégique. Il faut les identifier (les pertinentes…), comprendre et traduire leurs exigences dans le Système de Management de l’Environnement.
Je regrette personnellement que la notion de sphère d’influence (bien décrite dans ISO 26000 et essentielle à mes yeux) n’ait pas non plus été reprise dans la norme. On fera sans.
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La vraie révolution : obligation de performance environnementale
La version précédente parlait d’amélioration continue du système de management, maintenant on parle d’amélioration de la performance environnementale; et ce n’est pas la même chose. La norme engage donc les entreprises certifiées à mesurer leur performance environnementale (c’est pas nouveau) et démontrer son évolution positive (c’est nouveau!). Fini les engagements de moyens recyclables à l’infinie (formation, rappels, études…) sans lien avec la mesure réelle de la diminution de l’impact environnemental associé.
On demande même à la Direction d’assumer la responsabilité de l’efficacité du SME (donc de l’amélioration de la performance environnementale dans le temps). Selon moi, les entreprises vont devoir innover pour démontrer ceci (notamment après le premier cycle de certification où il est le plus souvent question de mise en conformité réglementaire).
La frustration de l’absence de transparence
La norme n’est pas encore née qu’elle me parait déjà obsolète sur le sujet « communication externe« . Au moment où la France, l’Europe et l’ensemble des anglo-saxons s’engagent (avec plus ou moins de réussite) vers le reporting et la transparence sur la performance sociétale des organisations, la future norme ISO 14001 ne demandera « que » d’identifier les informations « pertinentes » à la communication externe :
L’organisme doit communiquer en externe les informations pertinentes relatives au système de management environnemental, comme déterminé par son processus de communication et requis par ses obligations de conformité
Pas plus de transparence qu’avant. Le retard sur EMAS n’est pas rattrapé.
…
Mais il ne s’agit que d’un projet à ce stade. Nous suivrons les évolutions qui seront prises dans les mois à venir.
Pour un autre point, interview du jour d’Hervé ROSS CARRE d’AFAQ AFNOR : lien
Bonjour,
j’aime bien votre analyse. merci pour vos commentaires