Lu : L’UTOPIE mode d’emploi

Posté par Jean-Luc DOTHEE le 22 juin 2014

Je suis vraiment très content d’avoir lu le premier livre de Sandrine Roudaut, qui n’est pas pour moi une inconnue puisque nous nous croisons régulièrement dans nos parcours respectifs, sur Nantes ou sur les réseaux sociaux (cf lien d’un post sur une conférence de Sandrine en 2012 portant sur « les mots du Développement Durable »). Pas facile dans ces conditions de commenter un livre quand on sait que son commentaire sera lu par l’auteur. Je m’y attelle quand même avec une sincère bienveillance.

L’Utopie Mode d’emploi, sous-titré Modifier les comportements pour un monde soutenables et désirable, est publié aux éditions de La Mer Salée (lien), toute jeune maison d’édition nantaise qu’il convient de soutenir.

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Que dire de ma lecture ?… Je dirai, tout d’abord, que l’ouvrage n’est pas un nouvel opus destiné à la prise de conscience. Les enjeux ne sont qu’effleurés pour se concentrer sur les voies vers l’action en faveur de modèles plus soutenables. Nous ne sommes pas ici dans le « pourquoi ? » mais plutôt dans le « comment ?« .

Dans son approche du traitement du « comment ? », l’auteur adopte une approche très globale et transversale en mixant sa connaissance de l’analyse des comportements des consommateurs,  son expérience des méthodes d’animation de réflexions stratégiques en entreprises, sa grande expérience design (…) ainsi qu’en faisant référence à une importante bibliographie des expériences réussies qui peuvent servir de points d’appuis. La richesse des axes proposés permet une réflexion multidimensionnelle bien adaptée au sujet. Ce livre, extrêmement riche en matière, se veut selon moi, anti « spécialiste »; aussi pour démontrer la limite des fonctionnements « en silos ».

J’ai pu retrouver des références à Pierre Rabhi et sa sobriété heureuse (lien), aux piliers de la TRI (lien) de J Rifkin mais aussi de sa vision de l’empathie (lien) – empathie qui est finalement pour moi la seule vraie raison qu’il nous reste pour être optimiste – … Bref, nous sommes dans le même mouvement.

Collaborer, casser des dogmes organisationnels, innover dans les modèles économiques (circulaire et de fonctionnalité…), vivre ensemble, revoir notre relation au temps, expérimenter, expérimenter, expérimenter… voilà quelques pistes parmi de nombreuses autres que vous devez vous attendre à trouver en ouvrant ce livre. Il faut lire ce livre. C’est pas tous les jours que l’on peut s’imprégner de messages  positifs et enthousiasmants sur ces sujets anxiogènes. L’auteur revendique de la « légèreté » et de la « beauté » pour réussir. D’un naturel moins optimiste probablement, j’en ressorts boosté pour « ne rien lâcher ». ça, c’est bon !

Au registre des petites divergences, je me permets de revenir sur la critique des approches RSE, ISO (…) que l’auteur considère comme des sortes d’alibis à l’inaction – Cf chapitre « L’arsenal DD, RSE et consommation responsable est insuffisant, voir contre-productif »-. Au risque de paraitre corporatiste, puisque je rappelle qu’une part de mon expertise touche au monde des normes, je tiens à donner ma vision des choses, qui s’appuie sur une douzaine d’année d’expérience. Et pour commencer, je reconnais les limites des démarches de certifications d’organisation type ISO 14001 : elles sont souvent trop partielles dans leur domaine d’application, non envisagées comme stratégiques par les dirigeants (recherche du diplôme), parfois excessives dans leur rapport à la procédure (lien post précédent sur le sujet) et n’incitent globalement pas au changement de business models en se contentant d’optimiser l’existant. Tout ceci est vrai et me frustre bien souvent ; mais sont-elles pour autant « contre productives » au regard des enjeux RSE ? Je ne le pense pas et m’en explique.

Changer les modèles de production (et de consommation) – objet du livre – est capital, mais être en mesure de garantir que les outils de production (qui tournent tous les jours, qu’on le veuille ou non) ne fonctionnent pas n’importe comment, nécessite la définition de bonnes pratiques métier pérennes qui ne souffrent pas de la variabilité des changements stratégiques des entreprises. Une démarche ISO 14001 permet au moins de garantir que les standards opérationnels et réglementaires sont pris en compte, surveillés, qu’ils s’améliorent dans le temps. Il n’est pas possible selon moi de concentrer tous les efforts sur le niveau stratégique de moyens termes en oubliant la complexité de la gestion des flux industriels au quotidien. Ce n’est que de la basse réalité opérationnelle mais je pense qu’une réflexion macro (indispensable) ne doit pas dévaloriser les actions micro du quotidien (indispensable aussi).

Ceci est un point de détail d’un livre bien plus ambitieux.

En conclusion, la sensibilité de l’auteur et son « radicalisme positif » m’ont contaminé. Je suis en fait admiratif de cette vision positive « on va y arriver ». Il reste à se soulever les manches pour réellement changer de modèles et ne pas se contenter de rafistolages ou d’actions marginales en termes d’impacts. Bravo Sandrine pour ce travail de grande qualité. Je range ce livre dans ma bibliothèque entre « La sobriété heureuse » de Pierre Rabhi et « La civilisation de l’empathie » de Jeremy Rifkin.

 

Une Réponse à “Lu : L’UTOPIE mode d’emploi”

  1. Sandrine Roudaut dit :

    Merci Jean Luc !
    Ce retour me touche par bien des points, tant par tes analyses (qui intègrent cette vision complexe, non spécialiste pas toujours facile à transmettre) que par la contagion de l’optimisme :-) . Mon but premier était de comprendre ce qui nous empêchait d’avancer (sans préjuger de ce que j’allais trouver), le second était de valoriser les bâtisseurs d’un monde soutenable et désirable, de leur donner à mon tour de quoi réussir, et finalement de transmettre l’optimisme d’y parvenir (puisque j’ai retrouvé des raisons d’espérer). Merci de ne rien lâcher !
    Je comprends tes réserves sur ma critique des process. Ce n’est pas une charge mais une vigilance à avoir quand ils prennent le dessus, et nous endorment en affaiblissant tout ce qui nous est nécessaire: la responsabilité personnelle, la sagesse naturelle, être acteur et exercer sa liberté et le désir d’un autre monde, plus fort que la peur ou le confort . Les ébranler,les hacker, ne pas les laisser nous intimider (car c’est souvent le cas) permettraient d’en sortir le meilleur. Et à te lire je me dis que ça pourrait bien être ta mission. ;-)
    J’aime beaucoup ma place dans ta bibliothèque. Je te remercie encore sincèrement pour ce retour que je vais m’empresser de partager.
    Sandrine

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