Lu : La république BOBO (commentaires et auto-critique)
Posté par Jean-Luc DOTHEE le 1 mai 2014
Avant toute chose, je dois avouer que je suis addict des chroniques matinales de Thomas Legrand sur France Inter. J’ai l’impression qu’il exprime des pensées que suis incapable de formuler. Il est donc fort logique que j’ai été attiré par « La République Bobo« , écrit par le couple de journalistes Thomas Legrand et Laure Watrin. Je me suis donc détourné de mes lectures habituelles pour me détendre un peu et appréhender le monde surprenant des Bobos.
Je voulais aussi répondre à la question : « en suis-je ?« .
Le livre
Le sujet est traité avec humour, auto-dérision, critique, et finalement avec une certaine objectivité considérant que les auteurs assument parfaitement leur statut Bobo.
Passé la surprise de la découverte d’un vocabulaire insoupçonné (vous savez ce que c’est vous un hipster? un no-logo? un gentrifieur? bobo mixeur?…); on se laisse guider agréablement dans une balade au fil de nombreuses illustrations extraites du quotidien des deux auteurs.
La limite, c’est qu’on peut ressentir, quand on n’est pas de la capitale, une certaine distance au sujet tant les références parisiennes sont nombreuses… Une interprétation de ce qu’est un « bobo des champs » est donc à co-construire en parallèle de la lecture. Mais j’adore la co-construction.
Les « bobos » ici décrits, bien que impossibles à définir précisément, présentent des caractéristiques communes comme un haut niveau d’éducation (plus qu’un haut niveau de revenu semble-t-il), une curiosité à l’autre affirmée, un positionnement supra-national sur les problèmes de société en général, une recherche permanente d’authentique (quitte à l’inventer), un fort niveau de culture et une sensibilité réelle aux problématiques environnementales (…). Je retiens surtout que les bobos sont des personnes qui ont une difficulté permanente à vivre en phase avec leurs exigeantes valeurs (je me retrouve bien là dedans!).
L’ouvrage ne cache pas que le Bobo énerve. A la campagne on dirait facilement qu’ils sont plus des « diseux » (dans le sens donneur de leçon) que des « faiseux« . Exemple caricatural : tout bobo a intégré les enjeux du réchauffement climatique mais se sent malgré tout dans l’obligation de prendre l’avion souvent pour aller à New York (j’ai appris que Brooklyn était la Mecque Bobo) ou dans d’autres lieux improbables pour vivre son ouverture aux autres cultures. La bonne conscience du bobo voyageur (il semble que le bobo soit souvent voyageur) se consolera par le choix de déplacements en vélo ou de la nourriture bio une fois arrivé sur place (et le fait que les proportions en matière d’impact ne soient pas comparables ne rentre pas en compte dans le bilan). Moi aussi, consultant énergie-climat, ce comportement m’énerve un peu…
Après, le Bobo est souvent une victime récurrente des discours des extrêmes politiques; et ça, ça me les rend plutôt sympathiques !
La question sans intérêt : suis-je un Bobo des champs ?
J’ai toujours pensé que je présentais de nombreuses caractéristiques du Bobo. M’émerveiller devant une tondeuse mécanique (lien), mes deux poules (lien), ma critique permanente de notre société de consommation (lien) et je ne parle pas de ma sensibilité environnementale objet de ce blog et de mes nombreuses incohérences personnelles… Tout ça, c’est drôlement « bobo compatible » me semble-t-il.
Je suis même convaincu que beaucoup de proches m’envisagent comme un « Bobo » pur jus et je ne suis pas sur du tout que cela me dérange tant que je peux concilier ça avec mes relations amicales (non bobo pour l’essentiel). Pour autant, il me semble que la réponse n’est pas binaire : chacun peut avoir ponctuellement des comportements « bobo compatibles » sans pour autant être en phase avec toutes les illustrations de l’ouvrage (le rapport au déplacement aérien, l’élitisme culturelle… ne me caractérisent pas du tout).
Donc oui, « j’en suis… un peu parfois ».
La question de fond : dans quelle mesure le bobo peut-il aider la Transition ?
Si on prend un peu de hauteur, ce qui me parait être un vrai enjeu sociétal, c’est le rôle que peuvent éventuellement jouer les « bobos » dans les transitions sociétales à venir (Gouvernance territoriale, organisation de l’entreprise, climat, énergie, social…). Les auteurs retiennent déjà un certain nombre d’effets positifs indirects au mode de vie des bobos : ils savent faire pression sur les collectivités pour l’amélioration de l’espace public et tous les habitants en profitent. Ils savent animer, mobiliser, organiser des évènements qui contribuent à la mixité sociale. Sans bobos, quid de la consommation collaborative ? de la consommation responsable ? des AMAP ? des affichages environnementaux sur les produits ? Ils sont souvent compétents, motivés et investis.
Si les bobos ont démontré qu’ils pouvaient être des éclaireurs sur de nombreux sujets, comment passer maintenant la vitesse supérieure et les aider à mieux proportionner leurs actions aux enjeux qui nous fond face ? Comment faire en sorte que 80% de leur énergie ne soit pas consacrée à des micro-sujets ? Comment raisonner leur soif de déplacement international ? Comment… ?
Leur niveau de culture et d’ouverture les pré-disposent à comprendre les incohérences de notre société et pourtant, paradoxalement, on peut aussi considérer qu’ils y sont parfaitement adaptés (ils y réussissent bien en fait). S’ils sont de potentiels relais de transition à ne pas ignorer; des changements de paradigme trop forts ne risquent-t-ils pas d’être impossibles du fait de leur contribution au système en place ?
PS / message à l’attention des auteurs : en terme d’éco-conception de l’ouvrage, autant de pages noires avec si peu de caractères blancs, c’est pas très raisonnable (même si très joli). Incohérence quand tu nous tiens…
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