Retour sur la soirée ATEE : Philippe Bihouix et le futur des métaux
Posté par Jean-Luc DOTHEE le 25 janvier 2013
Je reviens sur ma soirée nantaise d’hier soir où j’ai assisté pour la troisième année consécutive à la très attendue soirée annuelle de l’ATEE Ouest. L’année dernière nous y avons entendu les préconisations de Négawatt pour passer le cap de la transition énergétique et cette année, Philippe Bihouix nous a parlé d’un sujet totalement ignoré : le pic d’extraction des métaux.
Soyons francs et direct : on est mal ! Je me sens aujourd’hui aussi vaseux qu’après avoir entendu pour la première fois Jean-Marc Jancovici en 2005. Je digère un plat un peu lourd…
Dressons tout d’abord le tableau de la situation de manière ultra-vulgarisée (lire le livre pour être plus intelligent) :
- C’est pas qu’il n’y a plus de minerais sur la croute terrestre mais les minerais sont globalement de moins en moins concentrés et de plus en plus profonds. En effet, nos prédécesseurs ont eu le bon sens de « taper » dans les réserves les plus pures et les plus accessibles (on aurait fait pareil !). Logiquement, tout extraction est aujourd’hui plus profonde pour un résultat souvent moins satisfaisant en terme de pureté. Savez-vous que pour extraire 3 g d’or il faut en moyenne remuer 1 tonne de minerais ?
- Du fait du premier point, l’énergie nécessaire pour extraire nos minerais est de plus en plus importante. Problème, elle est aussi plus rare (ça, on connait !). Il existe une corrélation très forte entre les deux sujets Énergie et Extraction de minerais. Dans l’autre sens, ça marche aussi : la production d’énergie demande de plus en plus de matière première pour être produite (pareil, le stock facilement atteignable a été puisé). Pour simplifier, en terme de « pic de production » : c’est Peste et Choléra !
- Pour ne rien améliorer, les nouvelles technologies, et notamment les nouvelles technologies de l’énergie (éolienne, photovoltaïque, voitures électriques…) sont gourmandes en alliages de minerais plutôt rares ne faisant qu’amplifier le phénomène !
- Le recyclage des métaux est, et restera toujours, une réponse partielle au problème. En effet, de la matière minérale est perdue à tous les stades de son cycle de vie : pendant la transformation (perte en chauffe), pendant l’utilisation (surtout pour l’utilisation dans les consommables où l’effet dispersif est total : bannissez votre rouge à lèvre au bismuth !) et pendant les étapes de recyclage (même si la collecte était bonne, les alliages empêchent toute valorisation « noble » et on retrouve tous les minerais valorisés le plus basiquement du monde dans les « ronds à béton ». Pas vraiment satisfaisant…). Savez vous que depuis que l’on a commencé à extraire l’or, 10% de ce métal a purement et simplement disparu !
Philippe Bihouix a fait son job de médecin légiste : constat froid et sans appel d’une situation pas joyeuse. Mais quid de l’exploitation que l’on peut en faire ? Voici ce qu’en retiens :
- les faits étant complexes et « multicritères », il convient d’être vigilant de ne pas s’emballer sur les nouvelles solutions qui arrangent tout le monde. Être critique et non angélique : produire des énergies renouvelables a aussi un coût dont il convient de calculer le retour sur investissement « environnemental ».
- la démonstration de l’expert est sans appel en ce qui concerne notre mode de consommation « XXL ». Obsolescence programmée des produits, miniaturisation de l’électronique, addiction à la technologie, déploiement au monde du mode de vie occidental (…). Il y a un truc qui ne tient pas dans l’équation. L’avenir, de la fenêtre de l’expert, c’est une remise en cause complète de notre système. Que pourra faire l’économiste de cette information : l’ignorer et attendre encore un peu ? rebondir sur de nouveaux modèles économiques ? Le consommateur peut agir en étant par exemple moins gourmand en nouvelles technologies, en considérant que ses biens ont vraiment de la valeur (bien plus que la valeur marchande d’aujourd’hui), en s’affranchissant de la possession de sa voiture (pas tendance comme idée)…
- Je suis quand à moi convaincu que les entreprises peuvent à leur niveau, sur le moyen terme, contribuer à une meilleure conception de leurs produits, en appliquant les principes de l’éco-conception : augmenter la durée de vie, prévoir de démantèlement et le recyclage, choisir des matières premières « peu fragiles »…
- Si Jeremy Rifkin semble être un doux rêveur aux yeux de Mr Bihouix, je pense que nous avons quand même besoin de ces rêves pour évoluer dans le sens de la prise en compte des enjeux. C’est mieux que d’attendre non ?
Je me sens un peu plus intelligent et paradoxalement un peu plus désarmé pour agir… mais attendons la fin de la digestion.
> Obsolescence programmée
Elle n’existe pas. En revanche:
1. le progrès technique fait que de nouveaux produits apparaissent. Libre aux gens de ne pas suivre
2. Les gens veulent du solide + pas cher. Il faut choisir.
« Le mythe de l’obsolescence programmée »
http://www.econoclaste.org.free.fr/econoclaste/?p=7583